Q- L'offre
de recharge "à la carte" de
la plateforme Freshmile répond
aux attentes des électromobilistes, excédés
par la multiplication des badges et pass en tous genres , comment expliquez-vous qu'elle ne soit
pas plus développée ?
Arnaud
MORA: Tout simplement parce que nombre d'acteurs pensent en termes de
modèles d'affaires dépassés, où l'usager est considéré comme une
clientèle captive, qu'il faut emprisonner dans une relation contractuelle
rapportant des euros tous les mois. Cette approche reste pertinente pour
les services utilisés fréquemment (téléphonie mobile, et par extension pourquoi
pas recharge du VE sur le lieu de travail) mais elle ne correspond pas aux
attentes des utilisateurs occasionnels, et plus généralement aux standards
d'une économie de plus en plus servicielle et à la demande.
AM: Je
partage le fond de votre analyse. Ce sont des sujets dont nous débattons à l'Afirev.
Différentes conceptions technologiques, juridiques, économiques émergent et le
modèle de l'itinérance n'est pas encore fixé. Je dois cependant relire les
documents européens et français pour me faire une opinion juridique plus
précise de ce que pourrait être la bonne formulation.
Q- Une forte attente des usagers pour
l'identification et le paiement par carte bancaire semble se faire jour, quelle
réponse y apportez-vous et quels
services envisagez-vous dans le
futur ?
AM: Je
pense que c'est une fausse bonne idée, pour une raison simple. L'intégration
d'un terminal de paiement électronique dans une borne de charge représente un
surcoût important, à l'investissement comme en exploitation. In fine, c'est
l'usager qui paie, soit directement, soit par ses impôts. Je suis au contraire
convaincu que la recharge du VE est un business low-cost, où la créativité et
l'astuce doivent être utilisées pour contourner les solutions évidentes mais
trop chères. Chez Freshmile, nous considérons le smartphone comme l'interface la plus adaptée: elle est disponible et elle est gratuite. C'est 100% cohérent
avec notre logique d'opérateur low-cost.
Cependant,
pour les zones urbaines, où il y a aussi du stationnement, nous sommes en train
de développer des mécanismes de paiement mixte au parcmètre (stationnement +
recharge). Là aussi, la logique qui prévaut est celle de la réutilisation d'une
infrastructure existante, c'est-à-dire une façon de procéder qui n'ajoute pas
de coûts supplémentaires.
Q : «
Pourquoi êtes-vous engagé dans la mobilité électrique ? »
AM: Depuis
longtemps, je suis convaincu que les jours du pétrole sont comptés. Depuis
quelques années, des tendances de fond au niveau géopolitique, économique et
environnemental convergent et nous forcent à repenser notre modèle énergétique.
Ce constat s’applique au transport en général, et à la mobilité des personnes
en particulier. J’ai créé la société Freshmile en 2010, en remarquant qu’il
n’existait pas de proposition de service pertinente pour réaliser la transition
énergétique dans la mobilité des personnes. Il ne suffit pas de vendre des
voitures électriques en concession, mais il faut organiser une infrastructure
et inventer un service pour simplifier la charge. C’est la vocation de Freshmile.
Q :
«Quel est votre parcours ?»
AM: J’ai eu
un parcours varié et Freshmile représente la synthèse de mes expériences. Suite
à des études scientifiques et à un diplôme d’ingénieur du son, j’ai terminé mon
cursus à Sciences Po à Paris, dans la section économie et finance. J’ai ensuite
eu la chance de m’expatrier, d’abord en Autriche, puis à Londres, où j’ai
effectué mes classes en banque d’investissement. En 2006, j’ai créé ma société
de conseil en financement d’énergie verte à Londres. J’ai été amené à
financer et
développer des projets éoliens et photovoltaïques, en Europe et au Brésil.
C’est en m’intéressant au véhicule électrique sous l’angle de son modèle
économique et de l’impact environnemental de sa recharge que j’ai développé le
concept d’opérateur de charge, socle du modèle d’affaires de Freshmile.
L’Alsace s’est rapidement imposée comme un territoire propice pour installer
Freshmile. La région est en effet servie par une géographie favorable à
l’utilisation de véhicules électriques, une volonté politique forte et une
coopération transfrontalière naturelle.
Q : «
Quelle est la spécificité de Freshmile ? »
Le rôle de
Freshmile dans la recharge du véhicule électrique peut être comparé à celui des
opérateurs téléphoniques : nous transformons un écosystème technique complexe
(bornes de charge, raccordement électrique, serveurs, moyens de paiement, etc.)
en un service simple et facilement accessible. Nous avons développé des
logiciels qui lient directement supervision technique, gestion de la
maintenance, applications mobiles pour l’utilisateur, pour un service
extrêmement fluide. En se mettant systématiquement dans la peau de
l’utilisateur, nos créateurs de services et nos développeurs créent une
expérience utilisateur unique, comme par exemple la possibilité de
démarrer une bonne de charge d’une simple pression du doigt sur le smartphone,
anonymement, sans inscription. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Freshmile
est le premier opérateur français présent à l’étranger.
Q :
«Comment voyez-vous l’évolution future de la mobilité électrique ?»
AM: Je suis
très optimiste. La part de marché du véhicule électrique a déjà été multipliée
par dix en moins de deux ans. A horizon 2030, je suis sûr que la majorité des
voitures seront électrifiées, en tout ou partie. Elles seront électriques
ou hybrides rechargeables et auront en commun le besoin de charge. De plus, au
vu des projets actuellement en développement, les véhicules autonomes seront
également électriques, rechargeables et programmés pour une optimisation des
ressources du réseau électrique.
Q :
«Quelles est actuellement la situation en Europe ? »
AM: Nous
pouvons être fiers de noter que la France a un temps d’avance sur beaucoup de
ses voisins: prise de conscience environnementale, choix politiques nationaux
et régionaux forts, constructeurs automobiles de premier plan mondial et
leaders du véhicule électrique, capacité d’innovation forte dans les nouveaux
services numériques. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient Freshmile.
Il faut aussi souligner le rôle bénéfique de l’Union européenne, qui impose
depuis l’an dernier l’interopérabilité des réseaux de charge. Cette directive
est en cours de transposition en droit national. Cependant, Freshmile n’a pas
attendu les
obligations
réglementaires pour proposer un service le plus ouvert possible à ses
utilisateurs : nous sommes le premier opérateur français connecté aux
plateformes d’interopérabilité en France et en Allemagne.
Q :
«Quelles sont vos ambitions à l’international ?"
AM: Nous
sommes déjà présents à l’international, en Allemagne notamment. Nous avons
aussi des plans de développement dans d’autres pays. A ce titre, nous sommes
heureux que la France soit précurseur en matière de mobilité électrique, car
l’avance que nous construisons aujourd’hui chez nous sera exportable dans les
pays qui passeront demain à la mobilité électrique.
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