vendredi 1 avril 2016

Le président de l’opérateur de charge français Freshmile, ARNAUD MORA, expose sa vision de la mobilité électrique.


Q- L'offre de recharge "à la carte" de la plateforme Freshmile répond aux attentes des électromobilistes, excédés par la multiplication des badges et pass en tous genres , comment expliquez-vous qu'elle ne soit pas plus développée ?

Arnaud MORA: Tout simplement parce que nombre d'acteurs pensent en termes de modèles  d'affaires dépassés, où l'usager est considéré comme une clientèle captive, qu'il faut emprisonner dans une relation contractuelle rapportant des euros tous les mois. Cette approche reste pertinente pour les services utilisés fréquemment (téléphonie mobile, et par extension pourquoi pas recharge du VE sur le lieu de travail) mais elle ne correspond pas aux attentes des utilisateurs occasionnels, et plus généralement aux standards d'une économie de plus en plus servicielle et à la demande.

Q- Le projet de décret relatif aux infrastructures de recharge  en faveur del'interopérabilité et de l'itinérance dans le dernier alinéa de l’article 12 introduit une présomption de respect des conditions d’objectivité, de transparence et surtout de non-discrimination qui est contradictoire avec l'esprit du décret puisque faire le choix d’une seule plateforme d’interopérabilité est par définition discriminatoire. Cet alinéa en contradiction également avec l’article 17 doit donc être retiré, êtes-vous d'accord ?
AM: Je partage le fond de votre analyse. Ce sont des sujets dont nous débattons à l'Afirev. Différentes conceptions technologiques, juridiques, économiques émergent et le modèle de l'itinérance n'est pas encore fixé. Je dois cependant relire les documents européens et français pour me faire une opinion juridique plus précise de ce que pourrait être la bonne formulation.

Q- Une forte attente des usagers pour l'identification et le paiement par carte bancaire semble se faire jour, quelle réponse y apportez-vous et quels services envisagez-vous dans le futur ?
AM: Je pense que c'est une fausse bonne idée, pour une raison simple. L'intégration d'un terminal de paiement électronique dans une borne de charge représente un surcoût important, à l'investissement comme en exploitation. In fine, c'est l'usager qui paie, soit directement, soit par ses impôts. Je suis au contraire convaincu que la recharge du VE est un business low-cost, où la créativité et l'astuce doivent être utilisées pour contourner les solutions évidentes mais trop chères. Chez Freshmile, nous considérons le smartphone comme l'interface la plus adaptée: elle est disponible et elle est gratuite. C'est 100% cohérent avec notre logique d'opérateur low-cost.
Cependant, pour les zones urbaines, où il y a aussi du stationnement, nous sommes en train de développer des mécanismes de paiement mixte au parcmètre (stationnement + recharge). Là aussi, la logique qui prévaut est celle de la réutilisation d'une infrastructure existante, c'est-à-dire une façon de procéder qui n'ajoute pas de coûts supplémentaires. 

Q : « Pourquoi êtes-vous engagé dans la mobilité électrique ? » 
AM: Depuis longtemps, je suis convaincu que les jours du pétrole sont comptés. Depuis quelques années, des tendances de fond au niveau géopolitique, économique et environnemental convergent et nous forcent à repenser notre modèle énergétique. Ce constat s’applique au transport en général, et à la mobilité des personnes en particulier. J’ai créé la société Freshmile en 2010, en remarquant qu’il n’existait pas de proposition de service pertinente pour réaliser la transition énergétique dans la mobilité des personnes. Il ne suffit pas de vendre des voitures électriques en concession, mais il faut organiser une infrastructure et inventer un service pour simplifier la charge. C’est la vocation de Freshmile.

Q :  «Quel est votre parcours ?» 
AM: J’ai eu un parcours varié et Freshmile représente la synthèse de mes expériences. Suite à des études scientifiques et à un diplôme d’ingénieur du son, j’ai terminé mon cursus à Sciences Po à Paris, dans la section économie et finance. J’ai ensuite eu la chance de m’expatrier, d’abord en Autriche, puis à Londres, où j’ai effectué mes classes en banque d’investissement. En 2006, j’ai créé ma société de conseil en financement d’énergie verte à Londres. J’ai été amené à 
financer et développer des projets éoliens et photovoltaïques, en Europe et au Brésil. C’est en m’intéressant au véhicule électrique sous l’angle de son modèle économique et de l’impact environnemental de sa recharge que j’ai développé le concept d’opérateur de charge, socle du modèle d’affaires de Freshmile. L’Alsace s’est rapidement imposée comme un territoire propice pour installer Freshmile. La région est en effet servie par une géographie favorable à l’utilisation de véhicules électriques, une volonté politique forte et une coopération transfrontalière naturelle.

Q : « Quelle est la spécificité de Freshmile ? »
Le rôle de Freshmile dans la recharge du véhicule électrique peut être comparé à celui des opérateurs téléphoniques : nous transformons un écosystème technique complexe (bornes de charge, raccordement électrique, serveurs, moyens de paiement, etc.) en un service simple et facilement accessible. Nous avons développé des logiciels qui lient directement supervision technique, gestion de la maintenance, applications mobiles pour l’utilisateur, pour un service extrêmement fluide. En se mettant systématiquement dans la peau de l’utilisateur, nos créateurs de services et nos développeurs créent une  expérience utilisateur unique, comme par exemple la possibilité de démarrer une bonne de charge d’une simple pression du doigt sur le smartphone, anonymement, sans inscription. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si Freshmile est le premier opérateur français présent à l’étranger.

Q : «Comment voyez-vous l’évolution future de la mobilité électrique ?»
AM: Je suis très optimiste. La part de marché du véhicule électrique a déjà été multipliée par dix en moins de deux ans. A horizon 2030, je suis sûr que la majorité des voitures seront électrifiées, en  tout ou partie. Elles seront électriques ou hybrides rechargeables et auront en commun le besoin de charge. De plus, au vu des projets actuellement en développement, les véhicules autonomes seront également électriques, rechargeables et programmés pour une optimisation des ressources du réseau électrique.

Q : «Quelles est actuellement la situation en Europe ? »

AM: Nous pouvons être fiers de noter que la France a un temps d’avance sur beaucoup de ses voisins: prise de conscience environnementale, choix politiques nationaux et régionaux forts, constructeurs automobiles de premier plan mondial et leaders du véhicule électrique, capacité d’innovation forte dans les nouveaux services numériques. C’est à cette dernière catégorie qu’appartient Freshmile. Il faut aussi souligner le rôle bénéfique de l’Union européenne, qui impose depuis l’an dernier l’interopérabilité des réseaux de charge. Cette directive est en cours de transposition en droit national. Cependant, Freshmile n’a pas attendu les 
obligations réglementaires pour proposer un service le plus ouvert possible à ses utilisateurs : nous sommes le premier opérateur français connecté aux plateformes d’interopérabilité en France et en Allemagne.

Q : «Quelles sont vos ambitions à l’international ?"

AM: Nous sommes déjà présents à l’international, en Allemagne notamment. Nous avons aussi des plans de développement dans d’autres pays. A ce titre, nous sommes heureux que la France soit précurseur en matière de mobilité électrique, car l’avance que nous construisons aujourd’hui chez nous sera exportable dans les pays qui passeront demain à la mobilité électrique.

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