Comme nous l'évoquions dans un précédent article, parce que trois VE sur quatre sont "importés" est-il pertinent de prendre le risque d'entraver la nécessaire conversion du parc automobile par une "réglementation discriminante et protectionniste" justifiée par un score minimal de performance environnementale ? A ces questions les chroniqueurs économique Thomas PORCHER et Dominique SEUX ont également apporté leurs contributions ( lien ci-dessous ).
Avis de FFAUVE (Fédération Française des Associations d’Utilisateurs de Véhicules Electriques) sur l’instauration d’un score environnemental introduit par les projets de décret et d’arrêté.
Cette notion de score environnemental est pertinente et nous saluons la prise en compte des référentiels issus des textes européens ainsi que la considération d’éléments importants aux yeux des utilisateurs tels que la réparabilité des batteries.
La mise en œuvre d’un conditionnement du bonus écologique à l’obtention d’un score environnemental minimal doit cependant s'appliquer à tous les types et modèles de véhicules. Pourquoi se limiter aux seules voitures électriques et seulement aux voitures particulières ? Quid dans ce cas de l’évolution du bonus écologique pour les véhicules hybrides, les utilitaires et les poids lourds ? De la même façon que ce score impactera le bonus, il doit aussi s’appliquer au malus et à toutes les autres aides sans discrimination.
L’appliquer aux véhicules, en étant d'accord sur le principe, suppose que ce soit :
- pour la détermination du bonus mais aussi pour du malus pour la totalité des véhicules,
- en prenant en compte en effet la totalité du cycle de vie, avant l’usage donc, mais aussi pendant l'usage et après, en fin de vie pour les apports de son recyclage dont il faudrait pouvoir estimer le potentiel,
- en quantifiant non seulement les émissions de CO² mais aussi celles des autres Gaz à Effet de Serre pour la revalorisation du malus appliqué aux véhicules thermiques,
- en intégrant le bilan énergétique de chaque véhicule sur une période donnée, de 15 ans par exemple.
Le niveau d’exigence imposé aux constructeurs, uniquement appliqué aux véhicules électriques, n'est-il pas contreproductif par rapport à la nécessaire transition vers la mobilité électrique et la nécessaire concurrence pour en faire baisser les coûts et les rendre accessibles à toutes les bourses ?
Pourquoi, par de telles mesures, ne privilégier que les constructeurs nationaux ou européens qui depuis 10 ans n'ont pas assez investi dans une offre 100% électrique, espérant une prolongation du « thermique » et de sa variante hybride et de leurs profits avantageux ?
Se priver de l'importation des véhicules asiatiques, n’est-ce pas aussi se priver de la ressource importante de matériaux que générera leur futur recyclage ?
A moins de revaloriser de manière très significative les montants du bonus écologique, les constructeurs américains et chinois, qui sont les seuls actuellement à dégager des résultats très bénéficiaires sur les modèles électriques et à pouvoir se permettre d’investir massivement, vont aussi être les seuls capables de baisser leurs prix, et donc se situer à des niveaux de prix inférieurs sans avoir à appliquer le bonus écologique face à des constructeurs européens appliquant le bonus écologique.
La démarche d'achat d'un véhicule zéro émissions mérite d'être soutenue sans discrimination, avec pour seule limite un pourcentage plafond du prix du véhicule (de 30%, par exemple), afin d'éviter que des véhicules très minimalistes puissent être subventionnés dans des proportions déraisonnables. Son niveau doit être fixé en fonction du montant pouvant être couvert par la collecte des malus sur les véhicules thermiques neufs. Un bonus plus substantiel devrait par ailleurs être introduit pour faciliter le rétrofit pour convertir des voitures thermiques en voitures électriques.
Plus généralement, l'intérêt des consommateurs et de l'environnement nous semble devoir être placé au-dessus de l'intérêt des industriels français ou européens, au risque d'entretenir ces industriels dans un retard de performance et d'innovation face à la compétition mondiale.
Le système de bonus écologique doit conserver sa seule finalité d'orienter les choix des consommateurs vers la transition énergétique, sans considération industrielle. Or la rédaction de ce projet apparaît clairement comme un outil visant à exclure du bonus des productions importées, et comme une réponse à une attente d'industriels français qui semblent vouloir faire payer aux pouvoirs publics le retard qu'ils ont pris dans le développement de gammes électriques capables de soutenir la concurrence mondiale. Si un soutien aux industriels locaux peut s'avérer nécessaire, il doit se faire plutôt du côté du soutien à l'innovation que du soutien à la demande locale. Seule une offre au meilleur niveau mondial assurera l'avenir des constructeurs européens.
Pascal Hureau - Président de FFAUVE - contact@ffauve.org
__________________________________________________________________________
NDLR : (*) Extraits des arguments échangés par les débatteurs :
- Le consommateur a intérêt à avoir des voitures pas chères
- Pour le climat il vaut mieux avoir le plus rapidement possible le maximum de voitures électriques moins chères.
- Les européens regardent de très près les subventions chinoises à leurs constructeurs mais ils doivent aller regarder dans leur jardin ...
- Si les industries naissantes ont besoin d'être encouragées voire protégées, comme l'ont fait les chinois en 2015, pourquoi les constructeurs français n'ont ils pas fait de même ... (1)
- La vraie question de fond c'est pourquoi nos constructeurs automobiles n'ont pas réussi à prendre le tournant électrique en Europe ? Nos constructeurs se sont accrochés au moteur thermique ... ils ont même été jusqu'à truquer des tests sur le diesel pour montrer qu'il était extrêmement propre ... et aujourd'hui ils se plaignent d'une concurrence sur les gros véhicules venant des Etats Unis avec Tesla et une concurrence venant de la Chine sur les petits véhicules ...
- Les chinois, qui n'étaient pas bons sur la voiture thermique ont été avantagé en sautant une génération de véhicule et les constructeurs européens ont été surpris par la vitesse à laquelle les ventes de VE se sont répandues en Europe.
- Les constructeurs européens ne peuvent s'en prendre qu'à eux-mêmes; ils sont actionné une logique actionnariale au maximum pour privilégier les profits de court terme afin de satisfaire les actionnaires et les salaires énormes des grands dirigeants d'entreprise; et cela en mettant en œuvre la compression des coûts, les délocalisations, la création d'instances financières au sein de l'industrie automobile,
- Quand on regarde les importations de voitures venant de Chine ( pas seulement chinoises ) 40% sont des Tesla . Quand une voiture chinoise arrive en Europe elle est taxée à 10%; quand elle arrive aux Etats unis elle est taxée à 27,5% .
- Deux solutions envisageables (2) :
- Inciter les constructeurs chinois à venir construire des VE en Europe avec les mêmes contraintes environnementales et sociales comme l'a fait Toyota à Valenciennes au risque de garder notre dépendance technologique.
- Les constructeurs européens doivent accélérer sur la construction de VE moins chers; comment faire par exemple pour construire la Dacia Spring en Europe, l'important est que les aides de l'Etat servent à construire la voiture électrique du futur.