samedi 25 janvier 2014

34 plans industriels confiés à 34 pilotes ? Alerte à la cohérence et à la vigilance!

Avec le renfort du rapport du GIEC, le débat sur la transition énergétique laissait espérer une remise en cause de notre dépendance aux énergies carbonées. Roulements de tambour, proclamations ministérielles, ronds de jambes chez Bolloré, promis juré le véhicule électrique va devenir une priorité pour la mobilité de demain.
Et d'ailleurs cette volonté se retrouvait au travers des 34 plans industriels présentés dans la foulée et, sans doute pour ménager les susceptibilités, l'Etat en a confié le pilotage à 34 acteurs dont:

  • Véhicule deux litres aux 100 km pour tous (Gilles Leborgne, Directeur recherche et développement de PSA)
  • Véhicule à pilotage automatique (Carlos Ghosn , Renault - Nissan)
  • Bornes électriques de recharge (Francis Vuibert, Préfet Hors cadre)
  • Autonomie et puissance des batteries (Florence Lambert, Chef du département de l’électricité et de l’hydrogène pour les transports au CEA-Liten)
  • Énergies renouvelables (Jean-Claude Andréini,Président du PEXE et Vice-Président du COSEI – Comité Stratégique des filières Éco Industries; Administrateur du Syndicat des énergies renouvelables et de pacte PME)
  • Réseaux électriques intelligents (Dominique Maillard , Président de Réseau de Transport d'Electricité)

Sauront-ils travailler ensemble ?

Car pour prendre l'exemple du véhicule électrique :
- qui consomme moins de 2 l au 100km en mode urbain,
- qui est très dépendant de la densité du réseau de bornes électriques de recharge
- dont l'autonomie des batteries augmente avec des prolongateurs d'autonomie sous la forme de pile à combustible à H²
- pour lequel la filière hydrogène est en mesure aujourd'hui d'alimenter stations services à hydrogène  et des stations services autonomes
- dont la connexion aux réseaux intelligents est envisagée pour accroître les capacités de stockage.
il est évident que les champs de compétences et de Recherche & Développement se croisent, se superposent et se complètent.
Nous n'avons plus les moyens ( en temps et financiers) de laisser chaque projet développer sa version de la partition.
Ne faut-il pas un chef d'orchestre pour éviter la cacophonie et les erreurs stratégiques ? 
Extrait du rapport du Comité des Constructeurs d'Automobile du 4/10/13) :
Les premiers Ateliers de la Filière Automobile, organisés par la PFA (Plateforme de la Filière Automobile) à Paris les 2 et 3 octobre, ont réuni plus de 700 participants venus de la France entière. 
Ils ont notamment fait le point sur le véhicule 2 l/100 km, l’un des programmes majeurs sur lesquels travaillent ensemble constructeurs et équipementiers. Les intervenants ont souligné que l’objectif de consommation de 2l/100 km d’ici à 2018-2020 ne passerait pas par une réelle rupture technologique afin que les véhicules soient commercialisés à un prix abordable de l’ordre de 15 000 euros.
Le programme « véhicule à 2l/100km » a été lancé début 2013. Traduit en termes d’émissions de CO2, cet objectif correspond à des rejets moyens de 50 g de CO2/km (46,4 g/km pour un véhicule à essence, 53 g/km pour un véhicule diesel), bien plus ambitieux que celui fixé par l’Union Européenne pour 2020 (encore en débat) de 95 g/km.
Pour y parvenir, constructeurs et équipementiers ont exclu de leur champ de recherche des technologies de rupture telles que l’hydrogène  pour être capable d’apporter un véhicule à un prix abordable. « Il faut que nous puissions proposer un véhicule consommant 2l/100 km à 12 000, 15 000 euros », a indiqué Philippe Doublet, secrétaire général de la recherche et du plan technologique de Renault. Les recherches porteront donc sur la réduction du besoin énergétique global du véhicule et sur l’amélioration de l’efficacité énergétique du moteur....
Constructeurs et équipementiers ont exclu de leur champ de recherche des technologies de rupture telles que l’hydrogène..
On croit rêver ! Ou plutôt cauchemarder ! car par ailleurs, et dans le même temps:

- L’Alliance Renault-Nissan, Daimler et Ford vient de signer un accord tripartite pour accélérer le développement des voitures à pile à combustible à hydrogène en mutualisant leurs ressources. De la même façon BMW et Toyota se sont associés pour concevoir le système complet ( pile à combustible, réservoir, moteur et batterie à l'horizon 2020.
- l'Union Européenne après avoir financé une expérimentation concluante durant trois ans les Hyways  (autoroutes à H²) en Scandinavie a programmé l'extension du réseau européen. Le consortium Mobilité Hydrogène France va élaborer un plan de déploiement chiffré pour une infrastructure privée et publique d’hydrogène sur la période 2015 – 2030.
- L'Allemagne d’ici 2023, c’est-à-dire dans tout juste dix ans, étend le réseau actuel, qui compte 15 stations H², à environ 400 stations H²" qui couvriront l’ensemble du pays. L’investissement global de l’ensemble des partenaires s’élèvera à environ 350 millions d’euros. La société Air Liquide  participe au programme.
- Dans le cadre du projet SWARM (pour Demonstration of Small 4-Wheel fuel cell passenger vehicle Applications in Regional and Municipal transport), Air Liquide va concevoir et installer, d'ici 2014, trois nouvelles stations de distribution d'hydrogène de haute capacité dans les villes de Brême en Allemagne, Birmingham au Royaume-Uni et Bruxelles en Belgique. Chaque station sera en mesure de faire 40 pleins par jour, ce qui correspond à 200 kg d'hydrogène délivrés quotidiennement.
- La société Mc Phy développe un stockage solide de l'H² sous forme d'hydrures réponse prometteuse au problème du stockage de l'électricité.
- Dans l'indifférence des médias nationaux se tenait à Albi (81) du 5 au 8 septembre le premier rendez-vous français des professionnels de l’hydrogène et des acteurs politiques et économiques, où étaient présentés différents véhicules fonctionnant à l'H².
- L'IFPEN s'est vu confier la recherche de sources naturelles d'H².
Il faut éviter que les "rentiers" n' étouffent l'innovation.

Confier le "pilotage" du véhicule automatique à Carlos Ghosn, intrépide entrepreneur s'il en est, c'est bien, sauf que le PDG de Renault et Nissan, aussi "visionnaire" soit-il, n'a pas vu, ou su, imposer les mêmes connexions pour les recharges des véhicules électriques des 2 marques; incompatibles entre-elles, au détriment du développement du réseau de bornes, elles nuisent à l'essor de la mobilité électrique.
Confier le développement du véhicule à moins de 2 l au 100 km aux rentiers "accros" des énergies carbonées c'est confier au renard la construction du poulailler ! En écartant d'entrée de jeu, lors de la première réunion, la solution de l'H² et de la pile à combustible c'est rester dépendant des pétroliers pour le carburant et les lubrifiants et de tous les équipements (carburation, transmission, boite de vitesse ...) rendus obsolètes par le passage au moteur électrique.
Confier ces responsabilités, engageant des choix stratégiques d'avenir et les finances publiques, ne peut consister à faire un chèque en blanc aux mandataires de ces projets industriels; les politiques et les citoyens doivent pouvoir les questionner.
Des élus informés et des citoyens éclairés associés au service de l'intérêt général.
La communication et la publicité nous submergent de messages superficiels, jouant tour à tour sur l'émotion de l'individu ou l'attraction du consommateur, or les choix relatifs aux orientations qui engagent l'avenir exigent des élus informés, capables de résister aux lobbies et groupes de pression, confortés par des citoyens éclairés ayant construit leurs avis et opinions grâce à leur érudition et aux vecteurs d'information (presse, radio, télé, internet...) qui doivent y contribuer.
Les 34 plans industriels ont fait l'objet d'un show lors de leur présentation mais à ma connaissance aucun relais dans les médias pour aider les citoyens à en comprendre les enjeux et les retombées possibles sur le territoire, l'éducation, la formation et l'emploi.
La Cour des comptes a rendu public, le 25 juillet 2013, un rapport très critique sur la politique de développement des énergies renouvelables.
Ce rapport à la page 89 souligne et compare la part de la recherche et développement des dépenses des états pour les énergies renouvelables.
dépense-RD.jpg

Or, malgré le fait que la part de budget R&D consacrée à la filière hydrogène et piles à combustible est la plus importante du budget français, la 3° du monde en valeur absolue et la plus forte de tous les pays en valeur relative il n'est fait aucune mention de cette filière dans ce rapport.
Comment cette sage instance si prompte à pointer les "abus de dépenses sociales" nous explique-t-elle son silence assourdissant ?
Avez vous entendu une interrogation quelconque de la représentation nationale ou de la presse sur ce silence assourdissant ? Rien.
Autre exemple affligeant le débat sur les gaz de schistes, on sait que la production générerait des pollutions irréversibles, que leur consommation accroîtrait les effets des gaz de serre et de réchauffement climatique, mais malgré çà sous la pression des lobbies pétroliers ou au nom d'un droit à la recherche spéculative qui ne dit pas son nom, des élus, des économistes et des médias tentent de nous "enfumer".
Si nous voulons éviter les errements du passé ( Minitel et autre Concorde) et pensons que ces choix d'avenir méritent d'aboutir pour redonner au "génie" français la place qu'il n'aurait jamais dû perdre, nous nous devons individuellement et collectivement d'exercer la vigilance citoyenne qui s'impose.

 

mercredi 22 janvier 2014

Rapport parlementaire: L’HYDROGÈNE : VECTEUR DE LA TRANSITION ÉNERGETIQUE ?