L'actualité de ces derniers jours nous envoie des signaux contradictoires qui nous laissent à penser que la mobilité électrique demeure encore très fragile, tiraillée entre les intérêts contradictoires de multiples acteurs.
Au niveau des parlementaires, acteurs de la filière et représentants syndicaux :
Au crédit de la volonté politique d'accompagner la "décarbonisation" de la société le rapport exhaustif de la mission parlementaire d'information sur l'offre automobile française résumé en ces termes par sa rapporteure Delphine Batho : « La volonté politique de décarboner la société, notamment les transports, à l’horizon 2050, nécessitera une électrification générale des transports par le recours à deux solutions non pas opposées, mais complémentaires, à savoir la batterie pour les transports urbains et l’hydrogène pour les trajets sur une plus longue distance. »
Votre Rapporteure partage ce point de vue, ainsi que celui de M. Cuénot, responsable de l’ONG Transport&Environnement pour qui « La voiture électrique représente à mon sens le meilleur moyen d’atteindre la mobilité zéro carbone. (…) Il n’est pas facile de faire un choix en matière technologique : T&E a fait celui de la mobilité électrique ».
Parmi les syndicats de salariés on retrouve également une volonté affirmée de soutien à la filière électromobile pour
- la CFDT, M. Franck Daout, délégué syndical central Renault, FGMM-CFDT. ... "L’hybridation est dans les cartons chez Renault comme chez Peugeot, et Carlos Tavares l’a confirmé ce matin à la radio. Il en est de même en ce qui concerne la motorisation électrique où Renault est le leader sur le marché. Ce qui nous inquiète, par contre, c’est la posture politique. Par définition, une voiture électrique a besoin d’être rechargée. Or il y a un décalage entre les discours et la réalité. Si Renault sait, en interne, que 95 % des utilisateurs de voitures électriques sont tellement satisfaits de leur voiture qu’ils ne feraient rien pour en changer, il est conscient aussi que ces utilisateurs rencontrent bien des difficultés pour la recharger. Dès le départ, il y a eu un quiproquo puisque la population que l’on a visée, c’était celle qui était capable d’acheter une voiture électrique comme voiture citadine, alors que les proches banlieues, les néoruraux ont peut-être davantage la capacité d’utiliser la voiture électrique que les citadins. Même si Autolib’ est un modèle économique qui fonctionne bien, il est clair que c’est bien hors des villes et non pas dans les villes, qui par ailleurs font le nécessaire pour améliorer leurs transports, qu’il est possible d’étendre ce modèle. Nous pensons que, pour avoir un constructeur fort et une filière forte, il faut également un dialogue social fort et innovant. Certes, des avancées ont été obtenues avec les accords de compétitivité chez Peugeot et Renault, mais il reste encore de la marge. S’il fallait faire passer un message, c’est bien de faire en sorte que, dans un avenir proche, le dialogue social fasse partie de la performance économique des entreprises. M. Sébastien Sidoli, du comité stratégique de PSA, FGMM-CFDT. Nous sommes à l’aube du tournant du digital, qui est pourvoyeur d’emplois et de compétences. Aussi faut-il insister sur la formation des salariés et leur évolution vers ces nouveaux emplois. ...M. Philippe Portier, secrétaire général de la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT. En 2008, nous avions déjà proposé de choisir deux régions ou des territoires sur lesquels on mettrait en place des infrastructures de recharges électriques avec la bonne densité. Cela permettrait de lancer la pompe de la production en série de ces véhicules et de tester en grandeur nature les infrastructures associées à des véhicules électriques largement déployés. Des incitations fiscales pourraient accompagner cette expérimentation.
- la CFTC : M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA, ..." On oublie souvent que la vision des usagers sur la mobilité a évolué. Je pense à l’autopartage, au covoiturage. On pourrait très bien avoir un véhicule selon le besoin du moment. Par exemple, si je suis à Paris la semaine, une petite voiture électrique me suffit bien pour aller au travail. Par contre, comme j’ai des enfants, il me faut le week-end une voiture plus grande et d’une plus forte cylindrée. Pourquoi ne pas envisager de payer une certaine somme chaque mois pour bénéficier d’un service qui me permettrait d’avoir un véhicule qui correspondrait à une situation donnée ? J’ajoute que les jeunes n’ont pas la même perception de la possession d’un véhicule que ma génération. Je pense que la filière automobile est restée un peu trop longtemps « droit dans ses bottes ». Il est encore temps de changer. Bien sûr, il faut développer le véhicule autonome, qui peut avoir un impact positif sur la sécurité routière. L’usager de demain pourra allumer son ordinateur alors que sa petite voiture électrique autonome le conduira jusqu’à son travail. Et comme elle est électrique, elle aura aussi l’autre avantage de ne pas polluer. Mais toutes ces évolutions exigent une révolution dans nos entreprises avec un élargissement des compétences et de ne plus raisonner en simple fournisseur d’un produit mais d’un service. La CFTC, qui a compris cet aspect, est prête à l’accompagner parce qu’elle pense que c’est le seul moyen moderne aujourd’hui de préserver les emplois et les sites industriels sur le territoire français. Bien sûr, comme je l’ai dit, il conviendra de former les salariés pour assurer la transition, et de recourir à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) telle qu’elle a été conçue, c’est-à-dire en anticipation et pas attendre que les problèmes surviennent pour mettre en place des mesures qui ne sont plus de la GPEC, du moins dans l’esprit. Les sites industriels doivent anticiper plutôt que subir, être en action plutôt qu’en réaction, faire les investissements nécessaires pour intégrer les nouvelles technologies. Bien évidemment, des aides pourraient leur être attribuées dans ce cadre-là. Nous regrettons que les organisations syndicales de manière générale ne soient pas associées aux décisions de l’entreprise. Des comités paritaires stratégiques commencent à voir le jour ; c’est un beau premier pas, mais ce n’est pas suffisant..."
- La CGC : M. Éric Vidal, responsable du dossier filière automobile, Fédération de la métallurgie-CGC. ..." Nous nous attendions à ce que la France soit un des piliers des véhicules électriques, et de manière générale décarbonés. Aujourd’hui, nous nous demandons si ce ne sera pas plutôt la Chine qui sera leader en la matière. C’est grave, car c’est une avance technologique qu’il ne faut pas laisser aux autres puisqu’elle générera des emplois. Ce sujet nous préoccupe beaucoup. Les métiers de l’industrie automobile bougent énormément. Si les gens sont de moins en moins mécaniciens, ils sont compétents en matière de numérique et de contrôle d’objets connectés, ce qui veut dire qu’il y a là un vivier d’emplois et de compétences phénoménal. Les enjeux en termes de formation initiale, et surtout de formation continue, sont importants. Il faut permettre aux gens de se former à de nouvelles technologies, et ainsi de monter en compétences. Les équipementiers pressentent qu’il va y avoir encore des rapprochements, ce qui, d’un point de vue social, nous fait frémir car, en général, qui dit rapprochement dit diminution d’effectifs. Il faudra donc être vigilant... "
mais également des positions plus conservatrices :
- Force ouvrière : M. Jean-Yves Sabot, secrétaire général chargé de l’industrie automobile à la Fédération FO-Métaux ... "J’en viens au diesel qui a été au cœur du scandale Volkswagen, mais pas uniquement. Comme les organisations qui sont autour de cette table, nous ne sommes pas insensibles aux questions environnementales. Il est donc important de se diriger vers une industrie propre. Il faut trouver le point d’équilibre entre l’intérêt économique des entreprises, la problématique environnementale et surtout le volet social. J’appelle l’attention de la mission d’information sur l’enjeu que représente la diésélisation de la filière pour l’emploi en France. Les constructeurs français sont des diésélistes tout à fait performants au plan mondial, et le parc automobile est diésélisé dans une très forte proportion. Il faut prendre garde aux évolutions et à leur rythme, pour permettre des reconversions raisonnées des établissements. Il ne faudrait pas voir fermer, comme cela fut le cas après 2008 chez les constructeurs, les usines de motorisation. Nous préférerions pouvoir travailler sur des reconversions douces. Il est important également d’envisager la situation de notre industrie automobile en France à travers le prisme de ce qui se passe chez nos principaux voisins, notamment les Allemands qui ont une forte capacité de lobbying et savent très bien comment protéger leur propre industrie. J’appelle votre attention sur le fait qu’il faut bien mesurer quelles sont les mutations importantes, pour que les groupes qui sont implantés sur le territoire – ils ne sont pas tous français – puissent maintenir des emplois et des savoir-faire. M. Jean-Philippe Nivon, ingénieur qualité chez Valeo, délégué syndical central FO : ..."Les équipementiers ne se focalisent pas sur un constructeur plutôt que sur un autre. Vous avez parlé du dieselgate. La communication a été très forte en France par rapport au nombre de véhicules concernés aux États-Unis. Cette affaire a eu un impact important sur la vente de véhicules en France puisque les gens se sont rués sur les véhicules essence : c’est ce que j’appelle, en tant que Lyonnais, une décision parisienne. Or le diesel est vital pour les gens qui habitent à la campagne car l’essence coûte très cher. Faites attention aux conséquences que pourraient entraîner les décisions que vous prendrez, à l’issue de vos travaux, en ce qui concerne le pourcentage de véhicules diesel et de véhicules essence. Pour sortir des problèmes de pollution auxquels elle est confrontée, la Chine va importer beaucoup de véhicules diesel. Le lobbying anti-diesel que l’on constate actuellement en France n’est-il pas trop poussé ? Voilà une question que je voulais poser, les équipementiers étant directement affectés par les stratégies des constructeurs, qu’ils soient français – Renault, PSA – ou étrangers – BMW, Volkswagen –, car, comme l’a dit M. Sabot, les équipementiers travaillent avec tous les constructeurs.
Proposition n° 61 de la mission : Pour soutenir le déploiement de l’automobile électrique :
- - Assurer dans les plus brefs délais l’interopérabilité pour l’usager de toutes les infrastructures de recharge installées sur le territoire, en publiant le décret IRVE.
- - Établir un schéma directeur national des infrastructures de recharge pour assurer la cohérence géographique de l’implantation des bornes et la pertinence des technologies choisies (lente, standard, accélérée, rapide ou ultrarapide).
- - Inciter les collectivités à mettre en place des avantages à l’usage pour le véhicule électrique (voies de circulation réservées).
La mission a visité l’aile de l'usine RENAULT de Cléon dédiée à la fabrication des moteurs électriques.
"Renault s’est lancé dans la fabrication de moteurs électriques par étapes, en développant d’abord un électrolyte de puissance, le chargeur caméléon, en 2013, avant de produire un moteur complet, qu’il décrit comme moins cher, moins lourd, plus petit, et avec une charge plus rapide que ceux de ses concurrents. 130 moteurs électriques sont produits chaque jour, qui équipent la Renault Zoé et seront bientôt achetés par d’autres constructeurs.
Le choix d’implanter la production à Cléon résultait de différents facteurs : l’usine était habituée à de gros projets ; toute la force de frappe ingénierie y était déjà présente ; les technologies de fonderie, d’usinage et d’assemblage y étaient déjà présentes.
Dès lors, la production sur ce site était plus rentable que sur un autre. 51 millions d’euros ont été investis et 120 machines neuves installées. 6 000 heures de formations ont été nécessaires, étalées sur deux ans, pour les salariés de l’usine – l’ensemble des postes ayant été pourvus en interne – soit 200 à 400 heures de formation par personne pour passer d’une compétence thermique à une compétence électrique.
La capacité de production, de 100 000 moteurs par an, est actuellement sous utilisée : seuls 30 000 moteurs sont produits chaque année, en raison de la faiblesse de la demande. Toutefois, l’usine est prête à faire face à un décollage du marché de l’électrique. Ce décollage pourrait être notamment stimulé par la nouvelle batterie électrique, deux fois plus autonome, que Renault indique commercialiser à la fin de l’année 2016."
Une mise au point utile concernant la capacité du réseau électrique à alimenter l'accroissement du parc de voitures électriques :
... " Votre Rapporteure a donc souhaité rétablir les faits pour que le déploiement de l’automobile électrique ne soit pas une victime collatérale du débat sur l’avenir du parc nucléaire en France. Contrairement aux idées reçues, l’électrification de la mobilité n’aura pas d’incidence majeure sur la consommation, en revanche, elle pose des défis très sérieux pour les réseaux de transports et de distribution d’électricité.
Au cours de son audition, M. Jancovici, associé-fondateur du cabinet Carbon 4 a rappelé : « la multiplication des voitures électriques ne devrait pas faire naître d’énormes besoins en électricité, Le moteur électrique a en effet un rendement élevé. Il est si efficace qu’il ne faudrait, pour un parc d’un million de voitures, que la capacité équivalente au quart de la production d’un réacteur nucléaire. Ensuite, la question de l’appel à puissance se pose, en terme de déploiement d’un réseau de rechargement. Indubitablement, il faudra de la puissance installée pour que les batteries électriques puissent reconstituer leur contenu ».
EDF, auditionné par votre Rapporteure , considère que « les volumes supplémentaires que nous pourrions vendre sont limités. Une voiture c’est 3 MWh/an, un million de voitures électriques 3 TWh/an. La consommation d’électricité française est de 450 TWh. Ce n’est même pas un réacteur ! ».
Selon ENEDIS, un scénario ambitieux de « 10 millions de véhicules électriques en 2030, cela représentera 7 % de la consommation, maisen puissance, trois fois plus ». ...
Un rappel à l'ordre pour des préoccupations que nous avons souvent évoquées ici:
..."Surtout, le décret très attendu sur les infrastructures de recharge, destiné à assurer leur universalité et leur interopérabilité, n’a pas encore été publié. Il est décisif pour permettre aux usagers de ne pas être confronté à la multitude des cartes d’abonnement et autres badges à se procurer afin de pouvoir utiliser indifféremment les bornes des réseaux de recharge privées comme publiques.
Enfin, l’État est attendu pour piloter plus fortement les différentes initiatives en matière d’infrastructure électrique et assurer une planification ordonnée."...
Au sujet de la généralisation de différentes formes d’hybridation
Selon Yann Delabrière, président-directeur général de Faurecia « les moteurs hybrides vont se développer de manière importante : nous envisageons qu’à l’horizon de 2025-2030, ils représenteront à peu près 40 % du total des motorisations. »Les modèles hybrides représentent déjà 45 % des ventes en France de Toyota en 2015. M. Koeatsu Aoki, président de Toyota Motor Manufacturing France, a justifié auprès de la mission l’engagement résolu du constructeur sur ce type de motorisation par le fait que « l’hybride est la technologie pivot pour toutes les sources d’énergie ».
Pour Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et développement de PSA, « l’ensemble constitué par les véhicules électriques et les plug-in hybrids représentera pour PSA, à l’horizon 2020-2025, environ 10 % des véhicules vendus, avec sans doute une prépondérance des véhicules hybrides, dans une proportion que je ne peux préciser. »
Tous les constructeurs présents sur le marché français que votre Rapporteure a auditionné ont présenté, à des degrés divers, une stratégie de développement de l’hybridation.
Un véhicule hybride se définit par la quantité d’énergie électrique embarquée. On distingue :
– le micro-hybride, c’est-à-dire le stop & start ;
– le mild hybrid embarque 0,2 à 0,5 kWh ;
– le full hybrid embarque 1 kWh, ce qui offre 3 ou 4 kilomètres d’autonomie en mode zero emission vehicle (ZEV) et surtout un réservoir de puissance pour économiser du carburant ;
– le plug-in hybrid, c’est-à-dire l’hybride rechargeable qui embarque environ 10 kWh de batterie, soit dix fois plus que le full hybrid, et qui offre une autonomie de 50 à 60 kilomètres en mode ZEV.
Plus de 500 000 véhicules plug-in hybrid ont été vendus dans le monde en 2015. En France, plus de 5 000 véhicules de ce type ont été immatriculés l’année dernière et le marché est l’exclusivité des marques premium.
Si l’hybridation se généralise nettement, il convient d’être attentif à ce que son utilisation effective corresponde aux performances de cette technologie pour certains types d’usages, faute de quoi son bilan environnemental serait inexistant, voire moins performant qu’un véhicule thermique de la même catégorie.
Au sujet du plug-in hybrid, Gilles Le Borgne a ainsi souligné devant la mission que « cette technologie n’a de sens que si l’utilisateur recharge les batteries : à défaut, il est en mode de traction thermique, avec l’inconvénient d’embarquer 200 kg de batterie ! »
Pour Philippe Noubel, directeur général d’Arval, l’hybride « a l’inconvénient d’être très chère et de cumuler deux technologies, un moteur électrique et un moteur thermique. Chaque technologie est moins optimisée que s’il n’y en avait qu’une seule. Par ailleurs, le poids entraîne une consommation supplémentaire lorsque vous roulez avec le moteur thermique, ce qui fait qu’un véhicule hybride est moins efficace qu’un véhicule uniquement thermique. Le véhicule hybride est parfaitement adapté à un usage majoritairement urbain, mais complètement inadapté à un usage sur autoroute. »
La controverse sur le bilan écologique de la voiture électrique n’a pas lieu d’être en France
" Une étude de l’ADEME a été instrumentalisée pour ouvrir une controverse sur l’intérêt écologique de la voiture électrique en France. Une tribune intitulée « Émissions de CO2 : l’impasse de la voiture électrique »affirmait ainsi que « la voiture électrique n’est pas plus vertueuse pour le climat que la voiture thermique, essence ou diesel. »
Devant la mission, M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables » de l’ADEME a contesté cette interprétation caricaturale :« Notre étude reposait sur une analyse comparative des cycles de vie de la voiture électrique et de la voiture traditionnelle à propulsion thermique. Publiée en novembre 2013 sur notre site, elle ne fait pas moins de 300 pages, car elle est bardée de toute la rigueur scientifique. (…) Dans la presse, la dominante des réactions était que l’ADEME n’aime pas les véhicules électriques. Nous sommes en fait plus nuancés et nous avons seulement pesé le pour et le contre. Mais il est vrai qu’il ne s’agissait pas du plaidoyer sans réserve auquel certains s’étaient attendus. Les études d’analyse du cycle de vie s’appuient sur des indicateurs normés qui permettent de mesurer les rejets de gaz à effet de serre, l’eutrophisation de l’eau, les émissions d’ozone, l’acidification de l’air ou les consommations de ressources… Sur cette base, nous avons analysé les avantages comparés en matière d’environnement, mais aussi de coût financier. À la construction, le véhicule électrique est cher et polluant. Au stade de l’usage, en revanche, il est peu polluant et peu cher. (…) Nous insistons donc beaucoup sur cette priorité d’usage et sur la solution « servicielle ». Car, s’il est partagé, le véhicule électrique roule beaucoup. Il a un intérêt environnemental indéniable. En matière de gaz à effet de serre, le véhicule électrique se compare au véhicule diesel. S’agissant de la qualité de l’air à proximité du véhicule, il est tout simplement imbattable. »
Pour M. Alain Grandjean, associé fondateur de Carbone 4, cabinet de conseil spécialisé dans la stratégie carbone, « du point de vue du gaz à effet de serre, le véhicule électrique paraît performant en France métropolitaine. Selon des études publiées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), un véhicule électrique sera responsable de l’émission de neuf tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère pour un cycle de vie complet et une distance totale parcourue de 150 000 kilomètres, contre vingt-deux tonnes pour un véhicule classique. Si l’émission de gaz à effet de serre est plus forte pour un véhicule électrique au stade de la production, cela est donc compensé au stade de son usage, puisqu’il fait mieux que la voiture traditionnelle dès qu’il a parcouru 25 000 kilomètres. C’est cependant une affaire française, s’expliquant par le fait que notre mix électrique est bas carbone. Il en va de même en Norvège, où l’hydroélectricité prédomine. En revanche, l’analyse ne vaudrait pas en Chine ou en Allemagne, car l’électricité y est très fortement carbonée. Dans ces pays, l’usage de la voiture électrique ne serait pas très écologique. »
Le potentiel de l’hydrogène
..."Le véhicule à hydrogène est un véhicule électrique ayant les mêmes propriétés qu’un véhicule à batterie, sa seule particularité étant de disposer d’une réserve d’énergie embarquée sous la forme d’un stockage d’hydrogène, destiné à alimenter une pile à combustible. En combinant l’hydrogène à l’oxygène, on provoque une réaction d’oxydation de l’hydrogène et une production d’électricité qui va servir à alimenter le moteur du véhicule. Dans la mesure où l’on effectue une opération exactement inverse à celle de l’électrolyse de l’eau, le seul résidu est de la vapeur d’eau : on ne produit aucun oxyde d’azote (NOx), aucun polluant, aucune particule fine. À la différence du véhicule électrique à batterie, l’autonomie est aujourd’hui de l’ordre de 500 à 600 kilomètres et l’utilisateur peut faire le plein d’hydrogène aussi simplement qu’il fait son plein d’essence aujourd’hui, en trois à cinq minutes.
● Historiquement, la filière automobile française n’a pas fait le choix de l’hydrogène. En 2012, une note de la PFA se positionnait contre les investissements de R&D dans ce domaine. À ce sujet, Éric Poyeton, directeur général de la PFA, a précisé devant la mission « nous venons de faire évoluer notre position concernant l’hydrogène, en considérant qu’il fera partie de la batterie des solutions. Nous ne voyons aucune raison de dire qu’il constituera la solution principale pour la motorisation des voitures mais nous sommes conscients qu’il est une solution en tant que prolongateur d’autonomie, notamment pour les véhicules lourds et utilitaires. Nous sommes d’ailleurs très satisfaits de l’expérimentation du projet conduit sur les véhicules utilitaires Kangoo de La Poste. En outre, l’automobile pourra entrer comme consommateur dans un écosystème fonctionnant à l’hydrogène et tenant compte de la notion de smart grid (réseau intelligent) mais ce n’est pas notre secteur industriel qui favorisera le déploiement de l’hydrogène en tant que carburant. »
Les équipes de Bosch ont bien résumé devant votre Rapporteure la conception qui prévaut majoritairement dans la filière : « la piste de l’hydrogène, tout le monde la promet depuis quinze ans que ça arrivera dans quinze ans. »De même M. Élie Cohen : « depuis que je donne des conférences sur l’automobile, il se trouve toujours quelqu’un pour me dire que c’est la solution », ajoutant néanmoins « cette technologie fait partie des innovations disruptives indispensables de la décennie qui vient si nous voulons faire face à l’impératif écologique et climatique ».
Les constructeurs français n’ont pas investi sur cette technologie et sont confrontés à des budgets de R&D contraints. Comme l’a indiqué M. Gilles Le Borgne « PSA est en veille active sur le dossier du véhicule à hydrogène. Recourir à cette technologie n’a de sens que si l’hydrogène mis en œuvre est propre. (…) Il existe par ailleurs un certain nombre de freins technologiques liés à la compression, au transport et à la distribution de l’hydrogène, qui justifient que nous n’ayons pas entrepris pour le moment de programme actif dans ce domaine, même si nous n’y sommes pas hostiles. »
En revanche, pour Yann Delabrière, directeur général de Faurecia, « la pile à combustible et la voiture à hydrogène sont une piste très sérieuse, pour plusieurs raisons. D’abord, on sait depuis toujours que stocker l’énergie sous forme liquide est ce qu’on sait faire de mieux. (…) Il y a une continuité technologique très forte entre une voiture hybride et une voiture à hydrogène. (…) Il n’y a aucune barrière scientifique ni technologique majeure à l’usage de ces véhicules. »
Une centaine de véhicules roulent aujourd’hui en France avec une pile à combustible. Ils appartiennent essentiellement à des flottes d’entreprises ou à des collectivités locales. Une quinzaine de stations de recharge sont déjà installées sur le territoire et, d’ici à la fin de l’année, une vingtaine d’autres seront mises en service, alors que le plan de la Nouvelle France industrielle, lancé en 2013 par le ministre Arnaud Montebourg, tablait sur 100 stations à l’horizon 2018 qui devrait permettre de faire rouler plusieurs dizaines de milliers de véhicules à hydrogène.
● Au niveau international, l’hydrogène émerge comme une technologie d’avenir. Toyota a lancé une Miraï hydrogène au Japon et aux États-Unis, qui commence à être commercialisée en Europe. La capacité de production est actuellement de 3 000 véhicules par an, Toyota ayant l’ambition d’atteindre les 30 000 en 2020. Hyundai et Honda commercialisent certains modèles à pile à combustible aux États-Unis et dans les pays européens à infrastructure hydrogène. Daimler annonce la sortie d’un véhicule en 2017. Au total 3 000 véhicules à hydrogène devraient circuler dans le monde à brève échéance.
En France, à l’occasion de la COP21, Air Liquide a installé une station de distribution d’hydrogène, à côté du Pont de l’Alma, que la mission a pu visiter, pour alimenter une flotte de taxis électriques à hydrogène, appelée Hype. À partir de ce démonstrateur, le groupe se fixe l’objectif de 600 taxis hydrogène à l’horizon de cinq ans.
Par ces caractéristiques technologiques, l’hydrogène pourrait à terme remplacer le diesel sur les usages automobiles liés aux longues distances. Le déploiement de l’hydrogène comme solution de mobilité à grande échelle suppose néanmoins de résoudre le problème des infrastructures, de la production d’hydrogène écologiquement vertueuse et de réduire les coûts. La France peut s’appuyer sur les compétences d’entreprises comme le groupe Air Liquide, un des principaux leaders mondiaux de la filière, pour travailler sur cette perspective.
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