COMMENT RELEVER LE DÉFI D’UNE TRANSITION JUSTE ? NOTRE SCÉNARIO POUR L’EMPLOI ET LE CLIMAT : Le rapport publié par la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie en faveur d'un passage accéléré à l'électromobilité dont nous reprenons ci-dessous la présentation en bref :
Il y a quelques mois, l’Europe relevait son ambition climatique en faisant passer son objectif global de réduction des émissions de GES pour 2030 de 40 % à 55 %. Le secteur automobile, stratégique pour répondre à ces objectifs de décarbonation, devra consécutivement rehausser ses ambitions dans les mois à venir, et sans aucun doute fixer une date de fin de vente des voitures qui consomment des carburants fossiles, commune à tous les Etats. Afin de répondre aux objectifs climat, cette échéance devra intervenir au plus tard en 2035.
En 2020, le virage vers l’électrique s’est amorcé concrètement. La part des véhicules électriques et hybrides mis en circulation dépassent pour la première fois la barre des 10 % sur le marché européen
et en France. Mais force est de constater que ce premier mouvement ne suffira pas. Si les constructeurs ont passé la première marche, ils ne pourront se contenter d’une stratégie d’hybridation légère.
Cette accélération constitue en France, un défi inédit pour l’industrie et l’ensemble des parties prenantes de la société. S’y joue l’avenir de l’automobile. Car ce secteur est en déclin : depuis 10 ans, ce sont 100 000 emplois qui ont été supprimés dans l’ensemble de la filière automobile. Les perspectives pour les années à venir ne sont pas rassurantes : dans sa récente évaluation, l’Observatoire de la métallurgie pointe en 2021 le risque de perdre encore 100 000 emplois d’ici 2035.
Le principal facteur de la baisse d’activité et d’emplois réside dans les arbitrages internationaux des grands donneurs d’ordres du secteur : délocalisations, approvisionnement dans les pays à bas coût et abandon de la production des petits modèles.
Notre analyse met également en évidence l’impasse des politiques industrielles françaises qui misent sur le seul volontarisme des acteurs économiques, sans être en mesure de fixer des objectifs concrets et partagés ; ou encore l’absence de stratégie industrielle européenne coordonnée, qui alimente les pratiques de dumping social et les délocalisations à l’intérieur de l’Union. La France peine à tirer son épingle du jeu. Pourtant les opportunités liées à l’électromobilité dans la décennie à venir sont réelles : jusqu’à 15 000 emplois dans la production de batteries, 9000 dans le recyclage, 5700 dans le rétrofit…
L’industrie automobile se trouve à un carrefour.
Le temps est venu de résoudre une équation : identifier une voie stratégique pour décarboner le secteur d’ici 2050 tout en favorisant la création d’activités industrielles et d’emplois pérennes. Autrement dit, construire collectivement la perspective d’un avenir réussi aux salariés et aux territoires.
Pour contribuer au débat, la Fondation Nicolas Hulot et la CFDT Métallurgie ont engagé un dialogue et analysé la filière moteur française pour en explorer les futurs possibles, à travers 4 scénarios contrastés. Ce travail confirme que la prolongation des tendances actuelles pourrait tout simplement signifier la fin de l’industrie automobile en France. Il montre également que la politique actuelle de relance, initiée en 2020, ne permettra ni de mettre un terme aux délocalisations ni de répondre au défi climatique : le cap donné au secteur manque de clarté pour les acteurs sur la sortie des carburants fossiles, trop lointaine, comme sur le rôle de l’hybride dans cette transition. En explorant deux scénarios plus ambitieux, sur le plan industriel et climatique, la prospective met en lumière la nécessité d’anticiper, dès maintenant, la décarbonation totale de l’industrie, et l’exigence de sobriété qui orientera la gestion de nos ressources et les usages. Demain la compétitivité reposera de plus en plus sur la capacité à réduire les consommations d’énergie et de matières.
L’analyse prospective, partagée et négociée, pose les jalons d’une voie originale, celle que nous nommons la “transition juste”.
Ce scénario se caractérise par :
- Une transition écologique assumée : c’est, dès maintenant, l’accélération du virage vers l’électrique avec un objectif 100 % véhicules neufs zéro émission en 2035 et un cap vers la sobriété de la production et des usages.
- La restructuration de l’appareil productif du secteur autour de l’électromobilité pour maintenir l’activité industrielle en France. En 2030, produire 2,3 millions de moteurs produits en France, pour 2 millions de véhicules assemblés, et environ 100 GW de production de batteries. Une filière électromobilité dynamique pourra avoir un impact positif sur le tissu économique (sous-traitants, services…).
Pour mettre en place ce scénario de transition juste, la FNH et la CFDT proposent une feuille de route pour :
- Créer les conditions de la relocalisation : cela passe par un deal engageant les entreprises et le gouvernement, via l’éco-conditionnalité des aides publiques, la mobilisation en faveur du Made in France (conversion des flottes et commande publique).
- Accompagner dès maintenant tous les salariés, quel que soit leur statut, pour un accès facilité à la formation et aux dispositifs de conversion. La réduction des activités du thermique est une réalité, et notamment dans la filière moteur pour laquelle on estime à 10 000 les suppressions d’effectifs d’ici 5 ans. Mais la question c’est qu’est ce que l’on fait avec ces compétences et savoir-faire? Cette baisse ne doit pas rimer avec destruction d’emplois. Les salariés actuels, majoritairement, disposent de compétences utiles, voire indispensables à la réindustrialisation. L’enjeu industriel est là : préparer dès aujourd’hui les compétences pour la filière électromobilité de demain (tournés vers l’électrique, le digital…)
- Oser une gouvernance ouverte : Une mobilisation collective des parties prenantes de la société, en faveur de la relocalisation industrielle, sera le fer de lance d’une nouvelle solidarité au sein de la filière. Les acteurs régionaux, les pôles de compétitivité, doivent travailler avec les entreprises et les syndicats dans le cadre de conférences sociales régionales.
A écouter également l'Interview à France Info de l'ancien ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot et le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger qui étaient les invités du "8h30 ", le mercredi 30 juin 2021.
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