mercredi 28 juillet 2021

Faire accepter la voiture électrique, un défi ( Eric Béziat , Le Monde 28/07/2021 )

 Les constructeurs travaillent à lever les réticences face à cette technologie plus chère et encore contraignante

La voiture, une Hyundai Ioniq 5, entre dans la station-service tout-électrique et vient se ranger le long de l’une des huit bornes de recharge ultra-rapide. Le conducteur branche le véhicule et, en douze minutes, il va passer de 40 % à 80 % de charge. Soit presque 200 kilomètres d’autonomie ajoutés pour moins de 7 euros et le temps de prendre un café… La scène se déroule en cet été 2021 à la station Total de la Défense, dans les Hauts-de-Seine et elle illustre l’effort de l’industrie automobile pour rendre acceptable à l’usager lambda la voiture 100 % électrique.


Une station de recharge pour véhicules électriques Ionity, à Dresde, en Allemagne, en août 2019. ANNEGRET HILSE/REUTERS

Car l’Union européenne a beau décréter la fin du moteur thermique en 2035, les constructeurs ont beau annoncer des ventes massives de véhicules à batterie dans les dix ans, la greffe électrique n’a pas encore complètement pris. On est aujourd’hui à 10 % des ventes de voitures électriques neuves en France mais, à écouter nombre d’automobilistes, des freins puissants demeurent pour aller très au-delà. Et on pourrait les résumer ainsi : « Tant que la voiture électrique est 10 000 euros plus cher à l’achat qu’une thermique équivalente, tant que son usage n’est pas aussi simple et fluide qu’avec ma voiture actuelle, pas question de changer. »

Le premier défi est logiquement celui du prix, le tarif des voitures électriques demeurant sensiblement plus élevé que celui des véhicules thermiques et leurs ventes ne croissant que grâce à de fortes incitations publiques (6 000 euros par véhicule en France). Pour répondre à cet enjeu, les constructeurs se sont mis en ordre de marche pour industrialiser la production afin de faire baisser les coûts. Le tout sur deux axes.

La batterie, c’est 40 % du prix 

Le plus important, c’est celui de la batterie, qui représente près de 40 % du prix d’un véhicule électrique. Plusieurs dizaines d’usines de batteries s’apprêtent ainsi à fleurir dans le courant de la décennie en Europe. Au total, on s’achemine vers un peu plus de 700 GWh de capacité annuelle de production sur le Vieux Continent, dont environ 100 en France. Et les effets ne devraient pas tarder à se faire sentir : Stellantis promet ainsi une baisse de 40 % du coût des batteries dès 2024.

Deuxième levier de baisse des coûts : la multiplication des plates-formes destinées uniquement à produire des véhicules électriques. Daimler vient d’annoncer, le 22 juillet, que, dès 2025, il ne lancera plus que des architectures industrielles électriques pour sa marque Mercedes. Et il n’est pas le seul. La Megane E de Renault est lancée dans quelques semaines sur la première base technique électrique commune de l’Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Stellantis va abandonner ses plates-formes multi-énergies au profit de modules tout électriques. Quant au groupe Volkswagen, il produira dans cinq ans l’ensemble de ses voitures zéro émission sur une seule plate-forme universelle. Grâce aux synergies dégagées, l’ensemble de l’industrie imagine parvenir à la parité coût thermique-électrique vers 2026.

Revenons à la Ioniq 5. Avec la Kia EV6, son équivalente chez Kia, autre marque du groupe sud-coréen Hyundai, elle résume la stratégie de nombreux constructeurs. Les véhicules, fabriqués sur une de ces nouvelles plateformes consacrées à l’électrique, peuvent supporter des charges accélérées, nouveau sésame pour l’acceptabilité sociétale de l’électrique. explique Lionel French-Keogh, président de Hyundai France.

« Jusqu’ici, les constructeurs mettaient l’accent sur l’autonomie, Mais, à partir d’environ 400 kilomètres de rayon d’action, les usagers se rendent vite compte que la vitesse de charge est un atout bien plus important que l’autonomie pour une mobilité électrique sans contrainte majeure. Et c’est aussi une façon de limiter la hausse du prix des véhicules puisque l’on n’a plus besoin d’ajouter des batteries. »

Un réseau de bornes

Ainsi, les Sud-Coréens ont intégré à leurs nouveaux modèles un chargeur 800 volts, qu’ils sont les seuls à commercialiser, avec Porsche pour la luxueuse Taycan. La vitesse de charge est aussi devenue une obsession pour Tesla, qui a doublé ses performances en la matière en 2021 et arrive à mettre 300 kilomètres d’autonomie dans ses modèles S en quinze minutes. Toyota, qui débarque un peu après tout le monde dans la voiture 100 % électrique, compte rattraper son retard avec, dans quelques années, des véhicules aux vitesses de charge elles aussi très élevées.

Reste à trouver les bornes de recharge rapide qui vont avec. Et, là encore, les constructeurs ont pris l’initiative face à la lenteur de la puissance publique et aux atermoiements des énergéticiens, qui sont toutefois en train de sortir de leur torpeur. Un consortium de marques automobiles a développé l’entreprise Ionity, seule à équiper d’un réseau de superchargeurs digne de ce nom les stations d’autoroutes européennes et à concurrencer l’infrastructure de Tesla. Ionity a été fondé en 2016 par Volkswagen, Audi, Porsche, Ford, BMW et Mercedes et rejoint en 2020 par Hyundai.

Luca De Meo, le directeur général du groupe Renault, a expliqué au Monde que rejoindre Ionity «intéresse» le constructeur au losange, qui n’en est toutefois qu’au stade des discussions. Stellantis, de son côté, a annoncé au début de l’année la création d’une coentreprise avec Engie afin de déployer un réseau de bornes de recharges.

Sur cette question de la recharge, les grands fournisseurs aussi prennent leur part. Selon nos informations, l’équipementier français Valeo, déjà fabricant de chargeurs embarqués, présentera au salon automobile de Munich, début septembre, une panoplie de bornes de recharge avec commercialisation prévue en 2022. explique-t-on chez Valeo. Une arme de plus dans la croisade pour électrifier l’automobiliste.

« Nous avons été contactés par plusieurs acteurs qui nous ont demandé de les aider à accélérer, grâce à notre savoir faire industriel, le déploiement de l’écosystème de recharge », explique-t-on chez Valeo. Une arme de plus dans la croisade pour électrifier l’automobiliste.

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A lite également l'article paru dans la même édition :

Un véhicule comme les autres, ou presque ( Jean-Michel Normand, Le Monde 28/07/201 )

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