mercredi 5 juin 2019

Développement massif du 100% VE et pilotage de leur recharge aideront la France à suivre sa feuille de route pour une transition énergétique respectueuse des Accords de Paris.

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Alors que les décideurs politiques "planchent" au Parlement sur l’énergie (loi énergie-climat, Programmation pluriannuelle de l’énergie et Stratégie nationale bas carbone) et les transports (loi d’orientation des mobilités ou LOM), actuellement discutés , RTE publie une étude approfondie d'impact du déploiement massif des VE. 

Réalisée en copilotage avec l'AVERE-France et la contribution d'un groupe de travail ad'hoc, elle examine cinq scénarios qui tentent d'évaluer les conséquences possibles pour le réseau électrique du développement à grande échelle des véhicules électriques en France.

Chacun des cinq scénarios est proposé avec une hypothèse médiane et haute : 
  • Crescendo (projections « standard » pour un développement "tendanciel" peu dirigé et accompagnant le développement de l'électromobilité ), 
  • Opéra ( Pilotage généralisé de la recharge et utilisation poussée de la flexibilité des batteries), 
  • Forte (absence de choix fort des pouvoirs publics, faible déploiement des logiques de pilotage, et forte utilisation des véhicules électriques pour la longue distance), 
  • Alto ( modification profonde des modes de déplacement, déclenchée par une rupture technologique – le véhicule autonome (de niveau 5) – et organisée autour du principe de services de mobilité partagée – par l’intermédiaire de «robots-taxis». )
  • Piano (politiques publiques et évolutions sociétales se conjuguent pour parvenir à une évolution importante des formes de mobilité).
Cette étude conforte les bénéfices attendus par le déploiement de l'électromobilté que nous avons souvent soulignés dans ces colonnes : 

Sur le plan Technique :

"Le développement de la mobilité électrique représente un nouvel usage. 
Sur la base d’une modélisation très largement affinée de la mobilité, la nouvelle étude offre une vision technique précise des impacts possibles sur le système électrique. 
Selon les différents scénarios, le secteur des transports devrait induire une consommation de 40 à 65 TWh à horizon 2035. Ceci intègre les véhicules électriques légers – véhicules particuliers et utilitaires – (autour de 30 TWh dans les scénarios médian et haut), mais également les poids lourds et bus (moins de 5 TWh), les véhicules autonomes (25 TWh dans le scénario Alto), et les transports ferroviaires (de 10 à 15 TWh). 
Les impacts sur la pointe sont, pour leur part, extrêmement différenciés selon le degré de pilotage et les caractéristiques générales du scénario : entre des appels à la pointe hivernale de 8 GW en moyenne (Forte) et 3,6 GW (Crescendo), voire une réduction moyenne de la pointe hivernale de 5,2 GW (Opera). 

Plusieurs conclusions fortes en émanent : 
  • 1) Les conclusions du Bilan prévisionnel 2017 sont confirmées : la consommation totale d’électricité des transports individuels et collectifs pèserait au plus un dixième de la consommation d’électricité totale en France à l’échéance 2035. Il ne s’agit pas d’un enjeu prégnant : c’est moins que la consommation du chauffage résidentiel, moins que l’augmentation de la consommation électrique de la France entre 2000 et 2010. Le parc électrique décrit par le projet de PPE est amplement suffisant pour couvrir ce nouvel usage. 
  • 2) L’imaginaire collectif associe en partie la voiture aux grands déplacements – en témoignent les interrogations fréquemment remontées à RTE sur la faculté du système électrique à pouvoir «absorber» les «chassés-croisés» de juillet-août, ou les grands week-ends de mai. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un risque pour la sécurité d’approvisionnement. Les longues distances sont minoritaires dans les distances parcourues chaque année, et les épisodes les plus contraignants sont susceptibles de se produire à des moments (été, week-end) où le système électrique dispose de marges abondantes. Les seules situations de vigilance identifiées concernent les vacances de Noël, dans un scénario de vague de froid. 
  • 3) C’est bien au contraire la mobilité du quotidien qui constitue le principal enjeu pour le système électrique. Sans pilotage de la recharge (recharge «naturelle»), les appels de puissance seraient principalement concentrés sur la plage 19-21h. D’autres petites pointes sont susceptibles d’intervenir au cours de la journée, à l’arrivée sur le lieu de travail ou durant la pause méridienne : elles n’occasionnent pas de vigilance particulière. 
  • 4) Le pilotage de la recharge présente, sur le plan technique, un intérêt évident pour lisser ces recharges et éviter un accroissement de la pointe du soir. Cet intérêt est renforcé dans un système électrique comme celui dessiné par le projet de la PPE (peu de moyens thermiques pilotables, prédominance des capacités à bas coût fonctionnant en base – éolien, solaire, nucléaire – qui n’ont pas vocation technique ou économique à assumer le pilotage avec des rampes importantes). Le pilotage permettrait par exemple d’adapter la consommation, à l’échelle de la journée et de la semaine, aux variations de la production solaire et éolienne, dans des proportions très intéressantes. 
  • 5) Le développement massif du pilotage de la recharge ne constitue pas pour autant un prérequis technique à l’intégration de la mobilité électrique : sauf exceptions, les appels de puissance apparaissent gérables. Le mix de la PPE devrait conduire à des marges importantes, et seule la variante haute du scénario Forte conduirait à un problème en matière de sécurité d’approvisionnement (si moins de 55% de la recharge est pilotée). 
  • 6) Le pilotage est bien une option sans regret pour le système – en tant qu’opportunité d’assurer la sécurité d’alimentation à moindre coût (les solutions de pilotage les plus simples étant déjà très efficaces). Il dégage des marges supplémentaires considérables (6 GW pour le pilotage simple, 13 GW pour le pilotage dynamique avec injection V2G par rapport à une recharge «naturelle»), qui rendent le système plus robuste vis-à-vis des aléas, et augmentent les options pour la collectivité sur la transformation du mix électrique ou son utilisation pour décarboner d’autres secteurs. 

Sur le plan économique

Dans le scénario de la PPE, la France dispose à l’horizon 2035 d’une capacité de production décarbonée en nette croissance par rapport à aujourd’hui (environ 615 TWh – 320 de nucléaire et 295 d’ENR, contre 505 TWh – 395 de nucléaire et 110 d’EnR aujourd’hui). Les analyses économiques témoignent de la forte cohérence économique entre ce type de transformation du mix électrique et le développement la mobilité électrique. Le rapport permet en premier lieu un chiffrage exhaustif du coût occasionné par le développement de la mobilité électrique sur la production d’électricité. Ce chiffrage peut être mis en perspective : 
  • 1) Par rapport au coût complet de la mobilité : la production d’électricité destinée à la recharge des véhicules électriques (l’équivalent du carburant) constitue une partie infime du coût total, et un poste de dépenses très inférieur à l’approvisionnement en produits pétroliers. 
  • 2) Par rapport au coût complet du mix électrique : la production d’électricité pour la recharge des véhicules électriques ne représente qu’environ 5% du coût complet à horizon 2035, et se fait sans surcoût par rapport aux évaluations actuelles, qui intègrent déjà cette consommation. 
  • 3) À niveau équivalent d’électrification, ce poste de coût est lui-même variable selon les scénarios, et dépend au premier ordre des facteurs étudiés dans ce rapport, comme le degré de pilotage. Au travers des cinq scénarios étudiés, le rapport analyse de manière approfondie les opportunités pour optimiser le coût de la production d’électricité nécessaire pour le véhicule électrique. Ce coût peut varier du simple au double selon le degré de pilotage : 
  • 4) Le déploiement généralisé du pilotage de la recharge, même simple, apparaît comme une option «sans regret», conduisant à des gains collectifs à hauteur de près d’un milliard d’euros par an. 
  • 5) La sophistication du pilotage de la recharge entre le système et les véhicules permet de capter des gains supplémentaires significatifs, mais plus variables selon les scénarios. 
  • 6) La participation des véhicules électriques aux réserves permet en théorie d’aller encore plus loin dans l’optimisation, mais devrait demeurer un marché de niche et n’a pas de sens à une large échelle. 
  • 7) La participation ultérieure des batteries à la flexibilité du système électrique (via une utilisation des batteries de seconde vie sous forme de stockage stationnaire) conduit à un intérêt économique incertain. Ceci montre qu’un développement coordonné de la mobilité électrique avec le parc de production est un gage d’optimisation et de cohérence de l’ensemble du scénario. Les gains associés se traduisent à différents niveaux. Notamment, une bonne articulation entre le déploiement de la mobilité électrique et l’évolution du mix se traduit : 
  • 8) Pour les finances publiques, par une réduction des besoins de soutien public au développement des EnR à ambitions inchangées. 
  • 9) Pour les producteurs : par une meilleure stabilité des prix de l’électricité et la réduction des situations de prix faibles ou négatifs. 
  • 10) Pour le consommateur : par des recharges au moment où les coûts de l’électricité sont les plus faibles, avec un gain annuel (avec un pilotage simple) de l’ordre de 60 à 170 € par an (chapitre 6).

Du point de vue du consommateur: 

Différentes enquêtes d’opinion se sont penchées récemment sur la perception des Français vis-à-vis de la voiture électrique. Elles mettent en avant que son coût supposé apparaît – au même titre que les craintes sur l’autonomie des véhicules et la faculté à trouver un point de charge – comme le principal frein à l’acquisition d’un véhicule électrique. 
Les analyses menées dans le cadre de la nouvelle étude – en croisant les choix les plus récents des pouvoirs publics sur la PPE avec les différents scénarios de mobilité – permettent une analyse poussée du coût de l’approvisionnement en électricité pour les besoins de mobilité, vu du consommateur. 
Elles montrent que la bascule vers l’électricité représente, en tant que telle, un facteur très important de réduction des dépenses contraintes associée à la détention d’un véhicule et à son utilisation régulière. 
Elles illustrent l’influence des différents leviers de pilotage pour réduire encore cette facture. 
Elles soulignent ainsi que la mobilité électrique peut participer du bouquet de solutions à mobiliser pour répondre aux attentes de la population sur le coût de la mobilité en général et le coût du plein d’essence en particulier. 
  • 1) Le coût du «plein d’électricité» pour une année serait aujourd’hui environ trois fois inférieur au coût du «plein d’essence» (véhicule essence), même en l’absence d’optimisation de la recharge du véhicule et sans tenir compte d’une éventuelle hausse de la fiscalité carbone associée aux produits pétroliers. Ce rapport de un à trois se retrouve aujourd’hui et à l’horizon long terme. 
  • 2) Ce gain constitue un facteur décisif dans le rapprochement du coût complet de détention du véhicule vu de l’utilisateur (Total Cost of Ownership ou TCO) entre la voiture électrique et la voiture thermique : dans certains cas, avec les subventions à l’achat et la moindre fiscalité sur l’électricité, le véhicule électrique est déjà compétitif
  • 3) La «facture annuelle» en électricité dépend du scénario de mobilité. Pour un véhicule de catégorie moyenne parcourant entre 14000 et 15300 km par an et ne se rechargeant qu’à domicile, le «plein d’électricité» coûte de l’ordre de 400 € par an s’il n’y a aucun pilotage et que le profil de mobilité conduit l’utilisateur à se recharger en heures pleines. 
  • 4) Pour les ménages qui le souhaitent et le peuvent, le pilotage de la recharge constitue un levier significatif de maîtrise de la facture : rien qu’en utilisant des modes simples de recharge, un bénéfice de l’ordre de 60 à 170 € par an est atteignable, selon les situations. 
  • 5) Ce niveau de pilotage peut être poussé plus loin, en activant les différentes solutions de recharge pilotée et de recharge réversible explorées dans le rapport. Il offre la possibilité de gagner jusqu’à 100 € dans certains cas de figure, en supplément des gains déjà acquis
  • 6) Une optimisation ultime, à l’échelle d’un utilisateur combinant recharge réversible et fourniture systématique de services au système électrique, permet d’envisager d’atteindre un coût annuel nul, voire légèrement négatif, pour la recharge. Ce modèle devrait néanmoins relever davantage de l’exception que d’un cas de figure largement généralisable. 
  • 7) Le développement du pilotage sur la recharge peut aller de pair avec la mise en place de logiques d’autoconsommation pour certains foyers. Les analyses montrent alors la possibilité d’augmenter le taux d’autoconsommation via un asservissement de la recharge et ainsi un intérêt accru, vu du consommateur, pour la mise en place d’une opération d’autoconsommation.

Sur le plan environnemental :

Le développement du véhicule électrique constitue l’un des principaux leviers, activable dès aujourd’hui, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. En intégrant l’analyse du cycle de vie, l’étude permet une analyse poussée de l’empreinte carbone dans chaque scénario et de l’influence des différents paramètres. 
  • 1) L’utilisation d’un véhicule électrique, en France, ne conduit à presque aucune émission de CO2 : par rapport à un véhicule thermique, les émissions sont diminuées d’un facteur 20. Ceci est dû à la structure du mix électrique français très largement décarboné. 
  • 2) Aujourd’hui, la France est fortement exportatrice d’électricité, et ces exports se substituent à des productions fossiles dans les pays voisins. À parc électrique inchangé, augmenter la part de l’électricité dans les transports en France entre en concurrence avec la réduction des émissions du parc électrique dans certains pays européens. L’analyse menée à montre que l’effet le plus important sur les émissions est obtenu en électrifiant le secteur de la mobilité – cet arbitrage étant de plus en plus vrai à mesure que les pays voisins de la France poursuivront la décarbonation de leur parc électrique. 
  • 3) Le net avantage du véhicule électrique, sur le plan des émissions, demeure attesté même en intégrant l’ensemble du cycle de vie, y compris dans le cas de batteries fabriquées en Chine utilisant de l’électricité carbonée dans leur processus de fabrication, dans les scénarios les plus contraints comme Forte et Alto. Un gain minimal de 18 MtCO2eq par an est ainsi atteignable à horizon 2035. L’étude met en avant les différents leviers activables pour réduire encore l’empreinte carbone : 
  • 4) La fabrication des batteries en France permettrait de réduire l’empreinte globale des transports de 2 à 3 MtCO2eq par an malgré une légère augmentation des émissions du secteur industriel en France, du fait du faible contenu carbone de l’électricité française. 
  • 5) La réduction de la taille des batteries (par exemple dans le scénario Piano) et l’augmentation du taux de recyclage (85% au lieu de 50%) améliorent encore la performance environnementale, et dégagent de l’ordre de 1 à 2 MtCO2eq par an. 
  • 6) L’effet d’un pilotage généralisé de la recharge est très net : un gain de 5 MtCO2eq par an est à la clé. Ces réductions seraient très majoritairement enregistrées dans les pays voisins de la France, via une moindre utilisation de leur parc thermique. 
  • 7) Le renforcement des transports en commun et le recours aux mobilités douces améliorent systématiquement la performance environnementale (7 MtCO2eq par an à eux deux). 
  • 8) L’étude met en avant un bilan carbone contrasté pour le véhicule autonome dans le scénario Alto, son effet sur la réduction du parc automobile pouvant être compensé par le mode d’utilisation envisagé (nombreux trajets à vide pour les robots-taxis) et ses caractéristiques (batteries importantes, électronique embarquée, etc.). Ceci invite à identifier les modes de déploiement et d’articulation avec les transports en commun les plus efficaces pour le véhicule autonome partagé. Ces résultats sont enfin restitués dans la perspective plus large de la politique énergétique et environnementale : 
  • 9) La promotion de solutions décarbonées pour le transport individuel nécessite aujourd’hui un soutien public important, qui s’exprime notamment via différentes aides à l’acquisition d’un véhicule électrique. L’étude montre que le niveau de soutien requis pourrait décroître à moyen terme et s’établir à moyen terme nettement en dessous de la valeur tutélaire du carbone. 
  • 10) Les leviers présentés dans le scénario Piano permettent également de limiter les besoins d’approvisionnement en métaux rares, qui soulèvent des enjeux environnementaux et éthiques ­significatifs aujourd’hui. 

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Au terme de ce document RTE et l’AVERE-France proposent de maintenir le groupe de travail déjà constitué, qui permet à des acteurs d’univers très différents de confronter leurs lectures, afin de poursuivre le travail sur les différents résultats mis en avant dans le rapport afin notamment de:  
  1. Observer en pratique les conséquences du développement de la mobilité, 
  2. Affiner certaines études, 
  3. Compléter les investigations
  4. Garantir l’ouverture des mécanismes de marché.
Or les électromobilistes, premiers concernés et investis dans le déploiement de l'électromobilité, sans doute par absence d'organisation représentative, n'ont pas été associés à ces travaux; par la création de F²AUVE,  la Fédération des Associations d'Utilisateurs de Véhicules Électriques  nous souhaitons contribuer à cette représentation et être des partenaires dans la réflexion et la mise en oeuvre des initiatives en faveur d'une mobilité 100% électrique.  
Jean-Claude LE MAIRE

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