Le véhicule électrique s’annonce comme la mutation inévitable du secteur automobile. Si les ventes n’ont pas encore « décollé », leur progression en France et dans le monde est très supérieure à la normale, et ce depuis plus de 4 ans.
De leur côté, les pouvoirs publics multiplient les plans d’aide et de soutien, voyant dans cette nouvelle forme de mobilité un moyen de dépolluer l’air des grandes métropoles, ainsi qu’un nouveau levier pour la transition énergétique.
Gérées intelligemment, les infrastructures de recharge liées aux véhicules électriques constituent en effet une brique fondamentale en devenir des Smart Grids.
Véritables « batteries sur roues », les véhicules électriques (VE) constituent des moyens de stockage mobiles, dont le pilotage pourrait permettre une meilleure intégration des énergies renouvelables et une meilleure conduite des réseaux électriques.
Alors que le développement des véhicules électriques a longtemps été perçu comme un facteur de rebond de la consommation électrique, il est désormais largement admis que les capacités de stockage des VE pourraient, au contraire, constituer une opportunité pour le système électrique dans son ensemble.
De la recharge intelligente au concept de vehicule-to-grid, différentes stratégies sont aujourd’hui portées par les acteurs du monde de l’énergie et de l’automobile. Les nombreuses acquisitions dans le domaine des énergéticiens, et notamment les grands groupes pétroliers, en témoignent largement. Symétriquement, les constructeurs automobiles prennent pied dans le domaine de l’énergie et se pensent désormais comme des acteurs des Smart Grids à part entière.
Le marché du véhicule électrique
En 2018, on estime le nombre de véhicules électriques immatriculés en France à environ 140 000, en comptant les véhicules hybrides rechargeables (source EAFO). Si cela ne représente encore qu’une fraction des 22 millions de véhicules en circulation dans l’hexagone, les ventes ne cessent de progresser et représentaient en 2017 environ 1,5% des 2,2 millions de véhicules vendus en France.
Dans son bilan prévisionnel 2017, RTE estime au travers de ses scénarios, « Ampère », « Hertz », « Volt » et « Watt », qu’à l’horizon 2035, il aura entre 5 et 15 millions de véhicules électriques en France.
Ce qui représente approximativement entre 200 et 600 TWh de capacité de stockage totale. La mise à profit d’une fraction de ce parc représenterait ainsi un axe de développement majeur de la flexibilité en France, au moins du même ordre de ce qui a été mis en place dans le passé avec les ballons d’eau chaude sanitaire.
Mais l’enjeu de la mobilité électrique dépasse les frontières françaises, avec un prisme chinois de plus en plus prégnant. Au niveau mondial, les ventes de voitures 100% électriques ou hybrides rechargeables ont atteint 1,1 million d’unités en 2017, dont 52% rien qu’en Chine (source AIE).
Au total, le parc mondial de véhicules électrifiés en circulation atteignait à la même époque 3,1 millions d’unités, avec une progression de plus de 54% en un an.
À elle seule, la Chine représente 1,2 millions de véhicules, et sa part devrait s’accroître encore davantage, vu la vivacité de son marché interne.
Perspectives à l’horizon 2030 selon la CRE
Dans son travail de prospective rendu public récemment, la CRE a entrepris d’évaluer l’évolution de la consommation électrique des véhicules électriques et leur part dans la consommation électrique finale.
« S’il existe encore une incertitude sur le rythme et la rapidité du déploiement de la mobilité électrique dans les années à venir, un consensus existe aujourd’hui sur son développement massif à moyen terme sur le segment des véhicules légers et des bus (~40 millions de VE/VHR a minima à l’échelle mondiale en 2025) ; à l’échelle française, un scénario avec plusieurs millions de véhicules électriques à horizon 2030 paraît aujourd’hui hautement probable. »
« De telles perspectives, encore jugées improbables il y a quelques années, sont confortées par les statistiques récentes […] et d’autre part et surtout par les investissements massifs déjà réalisés ou annoncés par les plus grands constructeurs automobiles mondiaux. »
« Ces investissements, stimulés par un cadre régulatoire et politique favorable partout dans le monde, sont le moteur des perspectives de décroissance des coûts des batteries (cf monographie stockage d’électricité). »
« Si le développement important de la mobilité électrique sur le segment des bus est aussi anticipé à court terme (et est déjà une réalité dans certains pays comme la Chine) avec des perspectives de plusieurs dizaines de milliers de bus électriques en circulation en Europe à horizon 2030, son essor à un niveau significatif sur les autres segments poids lourds est plus incertain et probablement plus lointain (post 2030), malgré les développements récemment annoncés par quelques constructeurs comme TESLA. »
« Enfin, quel que soit le rythme de développement de la mobilité électrique, les quantités d’énergie en jeu resteront limitées à moyen terme. »
« Un parc de 1 million de VE/VHR (véhicules légers) représente ~2,2 TWh de consommation finale électrique : un scénario à ~15 millions de véhicules électriques à horizon 20 ans (scénario le plus ambitieux du BP RTE 2017) représenterait ainsi seulement 33 TWh de consommation, soit ~7% de la consommation actuelle d’électricité. »
Quelles infrastructures de recharge pour quels usages ?
Afin de véritablement accompagner l’essor du véhicule électrique, il est toutefois nécessaire de rassurer les utilisateurs quant à leur capacité à se recharger, et ce, en toute circonstance : lors de leurs trajets quotidiens et lors de trajets occasionnels de moyenne et longue distance.
Cette capacité de recharge reposera nécessairement sur une infrastructure de recharge publique, majoritairement située sur les principaux axes routiers, et privée, à domicile et au travail.
Selon le « Livre vert sur les infrastructures de recharge ouvertes au public pour les véhicules décarbonés » publié en 2011 et mis à jour en 2014 par le Ministère de l’Industrie, la recharge publique représenterait environ 20% des besoins, contre 40% pour la recharge semi-publique (habitat collectif et entreprise) et 40% pour la recharge à domicile.
Dans tous les cas, une infrastructure de recharge adaptée sera nécessaire aux usagers afin de retrouver l’autonomie nécessaire à la poursuite de leur voyage ou la réalisation de leurs déplacements à venir.
Si pour le maillon privé et semi-public, il est attendu que les puissances de recharge soient relativement limitées, de 3 à 20 kW par borne, le maillon public voit déjà émerger des projets de très fortes puissances, jusqu’à 350 kW, pour de la recharge dite ultra-rapide.
Des puissances de raccordement de très grande dimension sont alors en jeu, généralement supérieure au MW. Mais la part de ce type d’infrastructures, aussi spectaculaires soient elles, ne devrait représenter qu’une faible partie de l’infrastructure globale.
En termes de flexibilité, plus une infrastructure est puissante, plus elle répond à un besoin urgent des utilisateurs.
C’est pourquoi, si la puissance d’une recharge dépasse les 50 kW, ce que l’on appelle recharge rapide, on peut considérer que le besoin de recharge de l’utilisateur ne pourra pas être décalé dans le temps, ou tout du moins de manière très marginale.
C’est également le cas pour les recharges ultra-rapides dont la puissance est supérieure à 100 kW et peut attendre jusqu’à 350 kW. La flexibilité pour le réseau électrique repose ainsi principalement sur l’infrastructure privée et semi-privée.
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Créée en avril 2015, Think Smartgrids (plateforme partenaire) a pour objectif de développer la filière Réseaux Électriques Intelligents (REI) en France et de la promouvoir en Europe comme à l’international.
La version originale de cet article a été publiée sur Le Monde de l'Energie.
Texte rédigé par Ludovic Coutant
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