jeudi 12 avril 2018

Pas d'étincelles pour l'électrique (Le Monde 10-04-2018)

Les immatriculations de modèles 100 % électriques, qui avaient déjà marqué le pas en 2017, plongent en ce début d'année.
Dans le concert favorable aux véhicules électriques, de plus en plus de couacs se font entendre. Premier acteur de poids à parler d'une voix discordante, Carlos Tavares a enfoncé le clou lors du dernier salon de Genève. Après avoir considéré qu'imposer le véhicule électrique était une folie, le PDG du groupe PSA a posé de nouveau la question de la pertinence de cette énergie.
Carlos Tavares n'est pas le seul à émettre des réserves. Benjamin Louvet, gérant matières premières chez Ofi Asset Management, société de gestion d'actifs financiers, a publié un rapport sur le devenir du véhicule électrique. " En l'état du mix énergétique mondial et alors que la majorité des batteries est fabriquée dans des pays où la production énergétique est majoritairement basée sur les énergies fossiles, la voiture électrique ne constitue pas un véritable avantage écologique ", estime-t-il.

La concurrence malgré des réticences
Plus prosaïquement, le président de l'Union française des industries pétrolières, Francis Duseux, affirme que, dans la majorité des pays, le véhicule électrique est un véhicule au charbon. Dans un pays comme la France où le -nucléaire représente 72 % de la production d'électricité, les émissions de CO2 baissent mais le traitement des déchets continue de -poser question.
Autre bémol, selon Benjamin Louvet, " si le système de freinage d'un véhicule électrique est plus efficace et qu'il ne dégage pas de fumées d'échappement, il émet quasiment autant de particules fines qu'un véhicule thermique ". La combustion du carburant serait responsable de seulement 10 % à 15 % des émissions de -particules fines. Freinage, usure des pneus et dispersion des poussières du sol produisent l'essentiel des particules fines. Plus lourde que son homologue thermique, la voiture électrique en projette davantage.
Malgré ses mises en garde, Carlos Tavares a d'ores et déjà engagé PSA dans la course à -l'électrique. Le groupe a annoncé la commercialisation de quatre véhicules à batterie et de sept -hybrides rechargeables d'ici à 2021. Avec une gamme complète de modèles 100 % électriques, l'Alliance Renault-Nissan a pris de l'avance sur ce dossier.
Les constructeurs étrangers se sont également convertis à l'électrique. BMW a vendu 100 000 véhicules électrifiés en  2017 et disposera de 25 véhicules électriques et hybrides à son catalogue en  2025. De son côté, Mercedes proposera une version électrique de chacun de ses modèles d'ici à 2022, soit 50 voitures électriques différentes. Encore plus fort et poussé par le scandale du diesel, Volkswagen Audi Group s'est fixé l'objectif de lancer une variante électrique pour chacun des 300 modèles de sa gamme d'ici à 2030.
Français et Allemands ne sont pas les seuls sur la ligne de départ. Hyundai, Kia, Jaguar Land Rover ou encore Volvo ont également -inscrit l'électrique dans leur feuille de route. Pionnier de cette technologie avec la Prius, Toyota veut vendre 5,5  millions de véhicules électrifiés par an et dans le monde d'ici à 2030. Inspirés par les constructeurs automobiles, les loueurs longue durée creusent également le même sillon. LeasePlan annonce une flotte -entièrement électrifiée d'ici à 2030.

La France parmi les pays convertis
En  2017, la barre des 500 000 véhicules -électriques en circulation en Europe a été franchie. L'an dernier, près de 150 000 unités ont trouvé preneurs. Les véhicules électriques -représentent désormais 0,9  % des ventes de véhicules neufs en Europe. Au palmarès des pays les plus motivés, la Norvège occupe la -première place, suivie de la France, puis de -l'Allemagne où les ventes ont doublé entre 2016 et 2017.
En France, près de 26 000 voitures électriques neuves ont été vendues l'an dernier. Ces volumes sont en hausse de 14  % par rapport à l'année 2016 et ont représenté 1,47  % du marché global. Pour la première fois, les
entreprises et les loueurs longue durée affichent un -intérêt -semblable à celui des particuliers. Cette -clientèle professionnelle s'est portée acquéreuse de 6 556 automobiles électriques en  2017, soit une hausse de 44,2  % pour une part de marché de 1,4 point.
Sur les deux premiers mois de 2018, les flottes ont revu leurs achats de véhicules électriques à la baisse (–  3,4 %). L'Avere-France, l'Association nationale pour le développement de la mobilité électrique, attribue ce recul à l'élargissement de la prime de conversion à de nombreux modèles thermiques neufs et non plus aux seuls véhicules électriques. Les ventes sont -particulièrement sensibles à l'évolution des aides publiques.
En  2015, le Danemark a annoncé une baisse progressive des subventions accordées à ce type de véhicules. Résultat : les achats se sont effondrés au premier trimestre 2016, et le Danemark a décidé de rétablir ses aides. Chaque année, plus de 2  millions d'automobiles sont vendues en France. Si la moitié d'entre elles étaient électriques, le montant des subventions atteindrait 7,2  milliards d'euros par an.
é. Gi.
© Le Monde

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