Le témoignage de Michel et Andrée Gazeau, pionniers
de l’énergie photovoltaïque, que nous publions, en ces temps de débats
parlementaires sur la loi de transition énergétique, vient à point nommé pour
étayer l’argumentation en faveur du développement de la voiture électrique et
de sa contribution possible au développement des énergies renouvelables.
PAVE : Qu’est ce qui a déclenché
votre passage à la voiture électrique ?
Michel Gazeau: Nous travaillons sur les maisons à haute qualité environnementale depuis les années 70 et selon nos convictions spirituelles, pour le respect de la Création et des générations futures. Notre première installation photovoltaïque a été connectée au réseau en 1999. Notre dernière réalisation, à Lourdes, a pour objectif de construire une maison à énergie positive qui produise également l'énergie nécessaire à nos déplacements.
Notre maison solaire est super-isolée et équipée de volets intérieurs très isolants. Elle est équipée de 10 m² de capteurs solaires thermiques. Construite en 2010 elle consomme en moyenne 1 m3 de bois par an en chauffage d'appoint, chauffage de l'eau chaude compris. Elle est équipée d'un auvent photo-voltaïque qui protège la maison des surchauffes en été. Sa production couvre nos besoins domestiques, nos déplacements et compense l'énergie bois d'appoint. La maison est entièrement auto-construite, y compris les capteurs solaires thermiques.
L’installation photovoltaïque
qui équipe notre maison depuis 1999 produisant plus d’électricité que nous n’en
consommions, nous nous sommes rapidement demandé pourquoi ne nous en servirions
nous pas pour recharger une voiture électrique.
Les lecteurs qui désirent en savoir plus sur la démarche de Michel et Andrée peuvent consulter leur site
Michel Gazeau : En effet, en août 2012 quelques mois avant la sortie de la Zoé, Peugeot a décidé de déstocker
ses voitures électriques ION et les a bradées en baissant les prix jusqu’à 11.000 €, - de quoi s’interroger sur le coût réel des voitures électriques... - au
lieu des 23.000 € prix catalogue, batteries comprises ; sous l’afflux des demandes les prix sont
remontés et nous avons acheté notre ION en Septembre pour 15.000 €, prime
déduite. En fait c’est une Mitsubishi MiEv légèrement modifiée par Peugeot.
Nous n’avons pas
attendu la sortie de la Zoé qui nous obligeait à louer les batteries. Nous avons aussi écarté le choix de la Nissan Leaf
car à l’époque son autonomie était de 130km comme la ION, mais pour un prix de
30.000€.
Nous cherchions aussi le véhicule électrique le plus simple avec le moteur le moins puissant pour minimiser notre consommation énergétique en déplacement.
PAVE : Comment avez-vous conçu
votre installation ?
Michel Gazeau :
PAVE : Vous l’avez mise à
disposition de la communauté des « électromobilistes » puisqu’on la
retrouve sur ChargeMap ?
Michel Gazeau : Oui depuis un an mais nous n'avons jamais eu de demande...
A
l’usage nous avons constaté un défaut de la Peugeot ION : sa charge accélérée
est limitée à 16 A. Ce qui veut dire que, quand elle est déchargée complètement,
il lui faut encore plus de 4 heures en charge "accélérée" ce qui ne présente aucun intérêt. De plus, il
faut acheter un câble de raccordement spécial vendu par Peugeot 480 €(pour 5m de câble et 2 prises électriques, cherchez l'erreur !!! - voir nos interrogations sur sur le coût réel des voitures électriques)..
La
ION est aussi équipée d’une seconde prise Chademo, dédiée à la recharge rapide, qui
permet de recharger 80% de la batterie en 30 minutes. Mais c’est le problème
principal des voitures électriques : il est très rare de trouver une borne de
recharge rapide.
PAVE : C’est en effet une des raisons de notre engagement
par ce blog mais que nous avions également souligné auprès des responsables du
SDE 65 lors
de la réunion de Juillet à Tarbes.
Michel Gazeau : Il nous tarde qu’ils passent à l’acte car depuis 2 ans
nous n’avons jamais pu faire une recharge rapide, faute de telles bornes dans
notre région. L’agence Nissan de Pau (à 50 km) vient d’en mettre une en service
(été 2014). Mais c’est sans intérêt pour nous car il faudrait trouver de telles
bornes à 100 km de notre domicile, avec un maillage de 100 km maximum entre les
bornes.
PAVE : C’est en effet grâce à la borne de Nissan à Pau-Lescar
que nous, gersois, avons pu faire le
comparatif Leaf 1/Leaf 2 ce qui illustre en effet la nécessité d’une
coordination régionale et nationale du développement du réseau pour obtenir un
maillage d’une borne de recharge rapide tous les 50 km, nécessaire à une réelle
mobilité électrique à l’échelon régional.
Michel Gazeau : En 2012, quand nous avons acheté notre voiture, le concessionnaire Peugeot promettait un déploiement rapide de bornes de recharges en France, mais rien n’a été fait. Il n’y a eu aucune volonté politique de le faire.
PAVE : Depuis l’été 2014 une
loi a été votée, complétée dans le débat sur la transition énergétique pour
accélérer le déploiement, à Tarbes des bornes accélérées ont été implantées,
et la concession Nissan a prévu l’installation d’une borne rapide lors de son
déménagement à Tarbes-Ibos.
Michel Gazeau : Oui, mais parallèlement une campagne contre les
voitures électriques semble se dessiner. L’argument principal des adversaires
concerne la production de l’énergie électrique qui nécessiterait de nouvelles
tranches de centrales nucléaires ou de nouvelles centrales à gaz.
Notre
expérience démontre que c’est absolument faux. Qu’est-ce qui empêche d’exiger
que chaque nouveau logement soit équipé d’une production d’énergie
correspondant aux besoins de l’habitat et des déplacements (production
localisée ou délocalisée)?
Dans notre cas, l’installation sur notre maison nous a coûté 8.000 € et nous rapporte chaque année 1.800 €. Sur les 12 ans d’amortissement de notre voiture électrique, cela représente près de 22 000€ soit l’équivalent de la totalité des coûts d’achat de la centrale et de la voiture électrique...
Dans notre cas, l’installation sur notre maison nous a coûté 8.000 € et nous rapporte chaque année 1.800 €. Sur les 12 ans d’amortissement de notre voiture électrique, cela représente près de 22 000€ soit l’équivalent de la totalité des coûts d’achat de la centrale et de la voiture électrique...
Même
si le propriétaire n’avait pas les moyens financiers de faire lui-même cet
investissement, la collectivité pourrait le faire et se faire ensuite
rembourser par l’acquéreur. Ne serait-ce que financièrement, c'est un très bon placement.
PAVE : C’est exactement le sens des
propositions que nous avons faites dans le cadre de la préparation de la
loi sur la transition énergétique. PAVE vous remercie de ce témoignage très
concret et probant sur les enjeux et les solutions possibles pour cette incontournable
transition énergétique. Merci également d’apporter par l’exemple la
contradiction aux
« pourfendeurs » de la mobilité électrique.
En
conclusion quels vœux formulez vous ?
Michel Gazeau : Quand nous avons acheté notre voiture électrique,
nous avons évalué son rayon d’action. Il correspond à 90% de nos déplacements.
Avoir une plus grande autonomie nécessiterait, dans l’état des technologies
actuelles, d’alourdir considérablement la voiture, donc son efficacité
énergétique. Cette efficacité est en effet inversement proportionnelle au poids
du véhicule. Il est donc beaucoup plus économique pour la collectivité de
construire un réseau de recharge rapide avec un maillage serré plutôt que d’en
faire supporter le coût à chaque véhicule.
On le voit ici clairement, il s’agit ici uniquement d’une affaire de volonté politique face à la puissance de lobbies.
On le voit ici clairement, il s’agit ici uniquement d’une affaire de volonté politique face à la puissance de lobbies.
Un second vœu : pouvoir connecter la batterie de notre voiture au réseau. En effet, avec l'installation photovoltaïque nous disposons déjà de l'onduleur (qui permet de transformer le courant continu des panneaux solaires en courant alternatif 220 V du réseau) ainsi que du compteur de vente. Il suffirait d'une prise intelligente pour que notre voiture puisse injecter du courant sur le réseau au moment des pics de consommation. Entre 19 h et 22 h c'est très rare que nous utilisions notre voiture. Si ce modèle se généralisait, associé à la consommation très réduite des maisons à énergie positive, ce dispositif éviterait de mettre en service des centrales thermiques.
Un million de voitures (sur plus de 30 million en France actuellement) débitant 2 kW sur le réseau correspond à 2 000 GW, soit environ 2 réacteurs nucléaires. Une norme européenne devrait imposer aux constructeurs et aux gestionnaires d'énergie électrique un protocole standard de mise en réseau.
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